Ingérences étrangères : le Parlement européen adopte une résolution pour se protéger de la Russie et de la Chine
Après le Qatargate et le Russiagate, le Parlement européen fait désormais face à un nouveau scandale de corruption et d’ingérence étrangère, venu cette fois-ci de Chine. L’attaché parlementaire de l’eurodéputé allemand Maximilian Krah, tête de liste de l’extrême-droite allemande pour les prochaines élections, aurait fourni aux services secrets chinois des informations sur des négociations en cours.
Dans ce contexte, ce 25 avril, les parlementaires ont très largement adopté – avec 429 voix pour sur 504 votants – une résolution pour appeler à davantage de fermeté face aux ingérences. Le texte, non-contraignant, demande notamment l’ouverture immédiate d’une « enquête interne approfondie afin d’évaluer tous les cas possibles d’ingérence étrangère de la part de la Russie et d’autres pays au Parlement européen ». À un peu plus d’un mois des élections européennes, les parlementaires soulignent l’urgence de prendre de telles mesures, pour « garantir la pleine intégrité » du scrutin.
Le Rassemblement national pointé du doigt
Car avant l’influence chinoise, le Parlement européen a récemment été marqué par un scandale impliquant la Russie. Une enquête, lancée par les services de renseignements de République tchèque, a en effet mis au jour un vaste réseau pro-russe visant à influencer le résultat des élections européennes. À la base de celui-ci, le site d’information Voice of Europe, financé par un proche de Vladimir Poutine, communiquait avec des politiques européens et a invité plusieurs parlementaires d’extrême-droite pour répondre à des interviews. Selon la justice belge, qui a depuis ouvert une enquête, plusieurs élus auraient été directement rémunérés par la Russie pour diffuser cette propagande.
Déposé par la droite européenne du PPE, le texte pointe largement du doigt l’extrême-droite allemande de l’AFD, réclamant au parti de « déclarer publiquement et sans délai ses relations financières avec le Kremlin ». Mais la résolution mentionne également le cas du Rassemblement national : « Le Kremlin a parrainé et soutenu un certain nombre de partis d’extrême-droite en Europe, notamment en accordant au parti de Marine Le Pen un prêt de 9,4 millions d’euros en 2013 ». Depuis, les auteurs de la résolution estiment que le RN a « renforcé sa position pro-Kremlin », mentionnant notamment la participation d’eurodéputés dont Thierry Mariani à des missions d’observation électorale « frauduleuses » en Russie.
Un indice d’influence russe pour identifier les pro-Kremlin au Parlement
Pour contrer ces cas d’ingérence, la résolution propose la mise en place de plusieurs dispositifs, dont la création d’un « indice d’influence hybride russe ». Celui-ci, rendu accessible au public sur le site internet du Parlement, permettrait de « répertorier les hommes politiques, les partis politiques des pays de l’UE et des pays candidats à l’UE ayant des liens avec le régime de Poutine et impliqués dans la diffusion des récits du Kremlin ». La liste des critères retenus pour identifier ces relais du discours pro-russe est par ailleurs relativement large, comprenant aussi bien le fait de « recevoir le soutien financier du Kremlin », que le fait de « plaider contre la fourniture d’armes à l’Ukraine sous couvert de promouvoir la paix ».
Alors que la question de l’admission de nouveaux États membres se pose, la résolution demande également à compléter les critères de Copenhague – utilisés pour évaluer un pays avant son adhésion – par « une évaluation de la résilience du pays candidat à l’influence hybride de la Russie ». Les auteurs du texte plaident également pour un renforcement de la sécurité au sein du Parlement : formation obligatoire des eurodéputés et de leurs équipes pour les sensibiliser « à leur statut de cible potentielle », adoption d’un « système d’habilitation de sécurité » pour les parlementaires travaillant sur des questions sensibles, ou encore l’interdiction d’accès aux locaux du Parlement pour « les médias travaillant pour des régimes hostiles ».
Ce 25 avril, dans son discours sur l’Europe à la Sorbonne, Emmanuel Macron a également rappelé cet impératif de lutte contre les ingérences étrangères, alertant sur « un retour de la propagande, des fausses informations, qui viennent bousculer nos démocraties libérales ». Au Sénat, une commission d’enquête a également été lancée sur la question des politiques publiques de lutte contre les influences étrangères. Elle doit rendre ses conclusions au mois de juillet.