« Afrique-Europe : (re)construire un destin en commun »
À quelques mois des élections européennes, profitant du 30e anniversaire de la Conférence Europe-Afrique de l'Institut Aspen France, des observateurs de premier plan* ont jugé opportun de réfléchir à la situation actuelle de la relation entre les deux continents afin de dégager de nouvelles perspectives.
Un fait marquant renseigne déjà sur une urgence à prendre en compte : les visites récentes de figures telles que Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, et Antony Blinken, secrétaire d'État américain, ont singulièrement contrasté avec un certain effacement des acteurs européens sur le continent.
Un chemin vertueux : les partenariats public-privé
Cela souligne l'impératif pour l'Europe de repenser ses relations avec l'Afrique, tant sur le plan géostratégique qu'économique. Cette urgence ne se limite pas à une réponse politique ; elle appelle à une refonte fondamentale du partenariat. Nous sommes convaincus que le cœur de cette transformation doit résider dans l'implication accrue du secteur privé.
Les investissements et les partenariats public-privé doivent devenir les piliers d'un nouveau modèle de coopération. En l'absence d'un tel engagement, et sans une union solide des pays européens, les nations africaines pourraient poursuivre leur pivot vers de nouveaux interlocuteurs, telles que la Chine et la Russie.
En tant qu'acteur historique et voisin géographique privilégié de l'Afrique, l'Europe est un partenaire naturel pour l'Afrique. Une coopération renforcée entre les deux continents offre une
opportunité unique de catalyser un développement positif pour ces deux régions complémentaires. Les investissements européens, s'ils sont judicieusement orientés, peuvent devenir des leviers puissants pour encourager l'innovation, renforcer les infrastructures et promouvoir une croissance économique durable en Afrique. L'Afrique, de son côté, a beaucoup à offrir et dispose de ressources humaines et naturelles exceptionnelles.
Repenser l'évaluation du risque…
Il est indéniable que le capital est le nerf de la guerre pour le développement du continent. Cependant, le chemin est, aujourd'hui, jonché d'obstacles, dont certains sont purement symboliques.
Parmi les défis majeurs, la perception exagérée du risque en Afrique figure en tête de liste. Cette surévaluation chronique impacte grandement l'attractivité des pays africains, rendant le coût du capital prohibitif pour les investisseurs, avec des taux d'intérêt bien plus élevés qu'en Europe ou aux États-Unis.
Ce climat défavorable engendre une paralysie chez les acteurs privés, freinant les investissements essentiels en Afrique, où réside pourtant une valeur ajoutée considérable. La perception actuelle du risque sur le continent africain est non seulement injuste mais également dénuée de fondement.
… par une approche plus nuancée et équilibrée
Face à ce constat, la nécessité de repenser l'évaluation du risque en Afrique s'impose avec urgence. Nous appelons les agences de notation, acteurs clés dans ce processus, à adopter une approche plus nuancée et équilibrée.
Celles-ci devraient tenir compte à la fois du risque financier, pour protéger leur capital-réputation, mais aussi des fondamentaux économiques à moyen et long terme du continent.
Un tel équilibre permettrait aux économies africaines de s'affranchir du double piège du financement du développement coûteux et de la dépendance aux matières premières, et ainsi d'accélérer l'alignement des revenus à l'échelle mondiale.
Face à ces difficultés, les acteurs du secteur privé se doivent également d'endosser un rôle de premier plan. Par des investissements directs dans divers projets sur le continent, les entreprises peuvent manifester une confiance solide dans le potentiel économique africain, mais également initier un cercle vertueux en incitant d'autres sociétés à créer de la valeur sur le continent.
L'engagement proactif de ces acteurs dans le tissu économique africain leur permettra d'appréhender avec acuité les réalités locales, déconstruisant ainsi les préjugés souvent surdimensionnés des agences de notation, dont le regard est fréquemment teinté d'une perspective internationale éloignée des dynamiques internes du continent.
Le capital humain, un atout à prendre en compte
Rappelons la richesse primordiale de l'Afrique : son capital humain. Plus de la moitié de sa population est âgée de moins de vingt ans. Cette vitalité démographique, loin de constituer un frein au développement, offre une opportunité unique pour les investisseurs et pourrait, à cet égard, être davantage pris en compte par les agences de notation.
Les investissements ciblés dans l'éducation par les entreprises privées sont cruciaux pour forger un environnement économique africain plus solide et compétent, diminuant ainsi le risque perçu et rehaussant l'attrait pour des investissements futurs.
Cette démarche, loin d'être un simple acte philanthropique, s'inscrit dans une stratégie de long terme visant à la prospérité partagée entre les entreprises et les communautés africaines.
Explorer de nouveaux horizons
Notre engagement doit dépasser les limites de la coopération traditionnelle, pour explorer des horizons où innovation, développement durable et partage de connaissances s'entrelacent.
L'élan que nous choisissons d'insuffler aujourd'hui dans nos actions définira non seulement le futur de notre relation bilatérale, mais aussi notre rôle dans le façonnement d'un monde plus équilibré et plus durable.
C'est dans ce contexte dynamique et prometteur que l'Afrique et l'Europe pourront écrire un nouveau chapitre de leur histoire et reprendre le fil de leur destin commun.