PETER KAZADI KANKONDE
Au service de la République, intelligent, expérimenté, dynamique et juriste de formation, Me Peter Kazadi Kankonde, le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur, Sécurité et Affaires Coutumières est l’invité du Magazine Diplomat investissement. Dans cette interview, le Vice-Premier Ministre a répondu à nos questions en traçant les grandes lignes de la politique sécuritaire menée sous son autorité. Ensuite, il a parlé de ce qui est fait mais bien de ce qu'il compte réaliser en termes de réformes. Au sujet du recrutement des policiers en cours, Peter Kazadi dit préférer la qualité en vue de monter une police tournée vers changement de mentalité. Il annonce la création d'un certain nombre des services publics au sein de son ministère qui vont se charger de mieux gérer les catastrophes naturelles. En cette période cruciale des élections générales en République Démocratique du Congo, Peter Kazadi dit travailler étroitement avec ses services pour obtenir des élections apaisées avec zéro incident majeur. Il est l'invité de notre Magazine.
Magazine Diplomat investisse ment : Monsieur le Vice-Premier Ministre, vous dirigez un des ministères les plus importants de la RDC, prouveriez-vous nous présenter la mission et les objectifs de ce ministère au niveau du maintien de l'ordre public et quel est l’aperçu général de la situation sécuritaire du pays en ce moment?
Me Peter Kazadi Kankonde : Le Ministère de l’Intérieur a entre autres comme attri butions le maintien de l’ordre public, de la sécurité publique et la protection des personnes et de leurs biens. À cela, il y a lieu d’ajouter dans ce contexte électoral, la collaboration avec la Commission élec torale nationale indépendante (CENI) en plus d’assurer la politique de la sûreté na tionale extérieure et intérieure. Spécifique ment les objectifs de mon ministère sont de restaurer l’Autorité de l’Etat et de rétablir la sécurité à travers le territoire national.
Comme vous le savez, il y a certaines localités de notre pays qui sont en proie à la violence du fait de l’agression Rwandaise. Les forces de défense et de sécurité sont à pieds d’œuvre pour mettre un terme à ces atrocités d’où la libération des certaines zones autrefois sous l’occu pation des forces négatives étrangères dont j’ai instruit l’envoie des hommes et équipements en vue d’y restaurer l’Autorité de l’Etat. Dans la même optique, d’autres policiers sont envoyés à MALEMBA NKULU, KISANGANI et BUKAMA. Dans l’ensemble, l’état d’esprit de la population demeure relativement calme.
Monsieur le Vice-Premier Ministre, pour la première fois de son histoire la RDC a organisé un grand évènement sportif des 9e Jeux de la Francophonie qui a été une réussite totale, notamment sur le plan sécuritaire. Comment avez-vous fait pour rendre aussi professionnelle et efficace la Police Nationale Congolaise pen dant cette période?
D’aucuns nous donnait la chance de réus sir ce pari, tant l’organisation des IXème jeux de la Francophonie se situait dans un contexte d’agression de notre pays par le Rwanda à travers ses supplétifs de M23.
Il va sans dire aujourd’hui que les Etats qui n’ont pas envoyés leurs jeunes compatriotes en vue de compétir dans cet événe ment ont eu tort. S’agissant de la sécurisation des IXème jeux de la Francophonie, j’ai mis en place une cellule spéciale qui suivait les activités en perma nence. Outre les moyens mis à leur disposition, les forces de l’ordre était constamment surveillées par leurs responsables déployés sur terrain, sur mon instruction, dans le but d’éviter tout déra page et de tenir le moral des troupes. Ces derniers avaient pour devoir de me faire constamment rapport du déroulement des activités pour une prise des décisions rapides lors des réunions quotidiennes instaurées par mes soins.
La République démocratique du Congo (RDC) organise le 20 décembre 2023 les élections présidentielles, législatives, provinciales, municipales et locales, il faut les sécuriser. Avez-vous déjà mis en place un dispositif pour ce faire?
Il a été institué sous ma présidence le Comité de Pilotage pour la Sécurisation des élections (CPSE) qui regroupe en son sein toutes les parties prenantes à l’organ isation des élections en République Démocratique du Congo. À cet effet, j’ai plusieurs fois convoqués et tenu des réunions du CPSE dont les résolutions ont permis au Gouvernement de disponibiliser les moyens nécessaires à la bonne tenue des élections ce 20 décembre 2023, concrètement le Groupe Technique pour le Sécurisation des élections (GTSE) qui découle du Comité de Pilotage a reçu les moyens nécessaires pour mener à bien, aux côtés de la Police, les opérations de terrain conformément aux missions qui lui ont été assignées. Ce comité répond aux besoins exprimés par le gouvernement de la République en vue de permettre à la population congolaise de voter dans des conditions de sécurité qui soient fiables.
Votre ministère est en charge de la Politique de l’administration du territoire et de la coordination des rapports entre les membres du Gouvernement Central et des Gouverneurs ainsi que des Assemblées des Provinces. Quels types des relations entrainez-vous avec ces entités tant au niveau de la stabilité des institutions que celui administratif et politique?
Les relations entre les autorités des entités locales, notamment les Gouverneurs des provinces ainsi que les animateurs des Assemblées provinciales, sont d’une manière générale bonnes, ils trouvent en la personne du Vice-Premier Ministre, Ministre de l’intérieur que je suis, une source d’arbitrage et de conseils en cas de conflit entre eux. Pour préserver la paix et la quiétude, il arrive que certaines mesures soient prises pour la stabilité des institutions provinciales au plan tant administratif que politique. Le ministère de l’Intérieur reste le premier répondant en cas de trouble à l’ordre publique et c’est dans ce sens que je suis de très près, sans m’ingérer évidemment, tout ce qui se passe dans les différentes Assemblées et Gouvernements provinciaux.
Dans les grandes villes de la RDC, le taux de banditisme et des actes criminels causés par des jeunes délinquants dits " Kuluna" reste préoccupante. Peut-on savoir votre plan d’action stratégique mise en place pour réradiquer ce phénomène?
Le phénomène dit «Kuluna» est un fait de société dû au chômage et parfois aussi à certaines manipulations politiciennes. Depuis mon avènement à la tête du ministère de l’intérieur, je n’ai cessé d’ef fectuer des descentes dans certaines communes de la Capitale, où sévit ce phénomène tant décrié avec un peu plus d’ampleur, dans le but d’échanger avec des jeunes et leur montrer qu’il y a des possibilités énormes au pays pour travailler et être utiles à la nation. Son Excellence Monsieur Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République, chef de l’Etat, met un accent particulier sur l’entreprenariat des jeunes.
Il y a parmi les jeunes Kuluna qui ont été arrêtés, ceux qui ont appris des métiers et participent aujourd’hui au programme de construction de 145 Territoires.
Certains sont des maçons et d’autres des menuisiers qui construisent des écoles, des centres de santé, des marchés au profit de la communauté. Ils ont réussi à trouver un travail qui leur permet de s’occuper de leurs familles. Quand a ceux qui n’ont pas compris cet appel du Chef de l’Etat, j’ai eu à procéder a des bouclages des communes entières pour arrêter les délinquants et les déférer devant la justice en procédure de fla grance. Il n’est pas possible ici d’étaler des stratégies qui ont été mises en place pour mettre fin au phénomène de Kidnapping qui avait élu domicile dans les grandes villes du Pays. Aujourd’hui, le citoyen congolais peut se déplacer et prendre son Taxi en toute sécurité. Ce qui n’était pas le cas avant mon arrivée à la tête de ce ministère.
Les forces de sécurité continue à traquer sans relâche tous ces bandits et leur quartier général sont souvent pris d’as saut par la police et des arrestations sont opérées. Je me réjouis que la campagne électorale encours est en train de se passer sans incidents majeurs et j’ai tenu une réunion avec les forces de sécurité pour que soit renforcées des mesures de sécurisa tion de la population pendant toute cette période afin d’éviter que ces jeunes Ku luna ne soient utilisés à des fins poli tiques.
Monsieur le Vice-Premier Ministre, que pensez-vous de ceux qui disent que les responsables de la Police Nationale Congolaise (PNC) affectent plus des policiers à la protection des privés et des commerces au détriment des citoyens et du maintien de l'ordre public?
En effet, cette situation a été parmi mes préoccupations jusqu’à la prise par mes soins de l’Arrêté fixant la liste des hautes autorités bénéficiaires de la garde policière. Ce qui permet de déterminer qui a droit d’être protégé et de préciser le nombre des policiers commis à cet effet. C’est une mesure qui ne doit souffrir d’aucune dérogation sauf si les raisons avancées sont approuvées exceptionnellement par ma personne et ce, après une étude. Pas plus tard que ce weekend, j’ai rappelé cela clairement au commandant qui s’occupe des affectations des Policiers aux privés.
Quel mécanisme comptez vous mettre en place pour lutter contre les catastrophes naturelles en RDC et la réorganisation de protection des civiles en matières de lutte contre les incendies?
Je suis heureux de vous annoncer que trois projets de Décrets, présentés par mon ministère ont été adoptés en Conseil des ministres en vue de permettre au Gouvernement d'organiser et de coordonner la gestion des catastrophes naturelles. Les trois textes, proposés et adoptés, com prennent un projet de Décret portant organisation de la protection civile, un deuxième projet Décret portant création, organisation et fonctionnement d'un service public dénommé Direction Générale de Secours et d'Incendie (DGSI), ainsi qu'un dernier projet de Décret portant création et fixant le statut du corps des sapeurs-pompiers en RDC. Ces trois textes permettront au Gouvernement congolais d’organiser une gestion efficace des catastrophes naturelles et anthropiques.
Nous aurons la possibilité d’évaluer en permanence le niveau de préparation aux risques et garantiront enfin la mise en œuvre des mesures d'information et d'alerte fournies par les services compétents pour protéger les populations, leurs biens, et l'environnement. Avec la mise en œuvre de la DGSI, l’Etat pourra lutter ef ficacement contre les incendies et donner des réponses appropriées en temps réel.
La Police Nationale (PNC) est en train de faire le recrutement. Comment cette opération se déroule-t-elle ? Pourrions nous savoir quel type de policier la RDC veut avoir demain ?
Le recrutement au sein de la Police Na tionale se fait sous la supervision des tech niciens qui sont des hauts cadres de notre Police. Il est à observer un certain engoue ment qui fait que la sélection ne soit pas si facile pour les personnes commises à cette tâche. Nous voulons avoir une police qui se tourne résolument vers le change ment des mentalités. Nous voulons donc faire un recrutement qualitatif et non quantitatif.
C’est pour cette raison d’ailleurs que certaines personnes nous posent la question de savoir si réellement on recrute. Ces Policiers ne seront opéra tionnels qu’après la formation qui est dis pensé dans nos différents centres par des experts qui tiennent compte du programme ambitieux de la reforme de la Police Nationale dans tous ses volets.
L'armée congolaise s'est dotée d'une loi de programmation militaire et on observe la montée en puissance de cette armée. Par contre, depuis la mise en œuvre de la loi portant réforme de la police, selon certains experts, tout le système et les services de sécurité de la RDC est à revoir. Quel reforme comptez vous mettre en place en terme de forma formation, d'efficacité, d'équipement et du professionnalisme de la PNC?
Dans ce cadre une mission d’évaluation de la mise en œuvre de la réforme a été diligentée dans trois provinces pilotes, il en ressort les conclusions ci-après :
• Loi de programmation:
Contrairement à celle de l’armée votée et en exécution, celle de la Police Nationale Congolaise, introduite par mes soins dès mon avènement à la tête de ce Ministère à la Commission des Lois du Gouverne ment de la République, est encore en étude avant d’être transmise au parlement pour être votée. Par ailleurs j’ai signé six textes règlementaires qui étaient en souf frances depuis 2013 et 2015, ceux nécessitant leurs signatures conjointes avec mes collègues ayant dans leurs attributions la justice ou les infrastructures sont transmis pour compétence.
• Formation:
En attendant que le Gouvernement alloue les moyens conséquents pour la formation de base ou spécialisée telle que je l’ai de mandé, nous avons récupéré plus de cinq mille cinq cents concitoyens frauduleusement recrutés pour en faire des policiers à l’issue d’une formation de base requise depuis le début du mois d’Août. Nous avons lancer depuis le depuis du mois d’Aout 2023 :
- La sélection et la formation de quarante neufs Inspecteurs de la Police Nationale Congolaise ;
- Le recrutement de treize mille cinq cents (13.500) personnes au profit de la Police Nationale Congolaise à raison de cent par territoire en conformité des conditions générales en la matière.
• Efficacité:
Elle est là. Certaines actions en témoignent, ce sont les cas des opérations de maintien et rétablissement de l’ordre public où nous n’avons pas déploré plus d'effets collatéraux significatifs.
Avec les formations en cours, nous aurons
augmenté:
- Les équipements: Les équipements lourds tels que les hélicoptères pour la simple en bonne raison de budget ;
- Le professionnalisme: Il est tributaire de plusieurs paramètres dont l’éducation, la formation et les équipements. Comme vous le savez, la réforme est un processus.
Il y a lieu de s’arrêté et d’évaluer pour déceler les défis, les avancées et les faiblesses en vue d’apporter les correctifs;
c’est ainsi qu’une commission d’évaluation de la mise en œuvre de la réforme de la Police Nationale Congolaise constituée est descendue depuis le 1er novembre 2023. À ce jour le rapport est attendu.
Monsieur le Vice-premier ministre, vous êtes aussi responsable des Affaires Cou tumières. En RDC, les chefs coutumiers jouent un rôle majeur qui n’a jamais été remis en cause depuis l’époque coloniale et qui a même été renforcé par les évolutions institutionnelles et politiques depuis l’indépendance. Dans un pays continent sous-administré et constitué d’immenses espaces ruraux, les chefs coutumiers sont les premiers policiers, magistrats, collecteurs d’impôts et ges tionnaires du foncier. Quelles sont les reformes administratives mises en place pour relever les défis auxquels ils doivent faire face à leurs rôles institutionnels et politiques dans le cadre de votre ministère?
À ce sujet, j’ai initié ce qui suit:
• Projet de décret portant gestion du patrimoine coutumier;
• Politique National de Prévention et de Résolution des conflits communautaires et coutumiers en sigle PNPRC;
• La codification des règles de succession au pouvoir coutumier et des arbres généalogiques des familles régnantes.
À ce sujet, il y a deux types d’entités coutumières: celles décentralisées (les chefferies) et celles déconcentrées (Groupement et villages). Les premières ont l’autonomie de gestion, mais les secondes dépendent, concernant leurs dépenses selon le cas, soit aux secteurs, soit aux chefferies ou communes, et ce, conformément à l’article 36 de la loi no 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des subdivisions Territoriales à l'Intérieur des Provinces.
Monsieur le Vice-premier ministre, quels types de collaboration souhaiteriez-vous établir avec les partenaires étrangers afin de vous permettre de renforcer la sécurité nationale et les reformes que vous êtes en train de mettre en place?
Nous avons toujours dit que nos partenaires étrangers sont les bienvenus pour nous permettre de renforcer nos capacités en termes d’échange d’expérience et d’appui dans les reformes dans lesquelles nous sommes engagés. Cette collaboration doit tenir compte de nos besoins spécifiques et des urgences auxquelles nous faisons face.
Il n’est pas opportun de nous soumettre de fois à des longues procédures avant de procéder à une conclusion d’un accord de partenariat qui pourrait ne plus être adapté aux besoins et urgences ayant motivé le partenariat. Nous voulons un partenariat gagnant–gagnant et respectueux de notre souveraineté.