Céréales ukrainiennes : l’UE met fin aux restrictions d’importation

Céréales ukrainiennes : l’UE met fin aux restrictions d’importation

L'Union Européenne a annoncé vendredi 15 septembre sa décision de mettre un terme à l'interdiction mise en place par cinq États sur l'importation de céréales ukrainiennes. En échange, l'Ukraine a promis de maîtriser l'afflux de grains. Ceci, au risque de déclencher des hostilités du côté de la Pologne, de la Hongrie et de la Slovaquie, lesquels entendent conserver les restrictions.

La Commission européenne avait conclu fin avril avec cinq États membres (Pologne, Hongrie, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie) un accord leur permettant de bloquer sur leur sol la commercialisation de blé, maïs, colza et tournesol ukrainiens afin de protéger leurs agriculteurs.

À la suite de la levée des droits de douane de l'UE en mai 2022, ces pays avaient vu affluer les céréales à prix bradé venues d'Ukraine, mais bloquées sur leur sol du fait de problèmes logistiques au lieu de rejoindre l'Afrique et le Moyen-Orient. Plusieurs avaient unilatéralement interdit l'importation, pour endiguer la saturation de leurs silos et l'effondrement des prix locaux.

Kiev se félicite de la décision de l'UE

Des restrictions que Bruxelles – gardien de la politique commerciale de l'UE – avait ensuite formellement autorisées puis prolongées jusqu'au 15 septembre, sous réserve que ces pays maintiennent le passage des grains vers d'autres destinations.

« Grâce à ces mesures temporaires, les distorsions de marché dans ces cinq États ont disparu », et l'amélioration des conditions logistiques a permis d'augmenter l'acheminement des céréales vers d'autres pays, s'est félicitée la Commission. « En conséquence, les mesures existantes expireront aujourd'hui ».

Kiev, farouchement opposé aux restrictions, s'est félicité du « respect des règles du libre-échange » : « C'est un exemple de véritable unité et de confiance entre l'Ukraine et l'UE. L'Europe gagne toujours lorsque les règles fonctionnent et que les accords sont mis en œuvre », a réagi le président Volodymyr Zelensky.

Soucieuse de donner des gages aux pays de l'Est, la Commission précise qu'en contrepartie, Kiev s'est engagé à adopter dans un délai d'un mois des mesures pour « éviter des envolées » des volumes de grains, par exemple via un système de licences d'exportation.

D'ici là, l'Ukraine devra contrôler les exportations et éviter de déstabiliser les pays frontaliers. Kiev devra soumettre d'ici lundi soir un « plan d'action » à Bruxelles, qui promet de ne pas réimposer de restrictions « tant que les mesures prises seront pleinement efficaces ».

« Protéger les agriculteurs »

Pas de quoi convaincre la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie, qui ont aussitôt annoncé maintenir de façon unilatérale leur interdiction. Et ce en violation de la décision prise par la Commission, seule compétente sur la politique commerciale de l'UE – au risque, comme au printemps, d'un bras de fer politique et juridique avec Bruxelles.

« La Hongrie va fermer ses frontières à 24 produits ukrainiens », donc bien davantage que les quatre actuellement concernés, afin de « protéger les intérêts des agriculteurs », a indiqué le ministre hongrois de l'Agriculture Istvan Nagy. L'embargo de Budapest porte désormais également sur « la farine, l'huile de cuisson, le miel, certaines viandes et les œufs ».

Et à un mois d'élections en Pologne, le gouvernement de droite populiste en fait « une question fondamentale ». « Nous défendrons sans aucun doute les intérêts des agriculteurs polonais », a déclaré le Premier ministre Mateusz Morawiecki, dont le parti Droit et Justice bénéficie d'un fort soutien dans les régions agricoles.

La Roumanie a pour sa part « regretté » la décision de Bruxelles, disant attendre le plan d'action de Kiev avant de mettre en œuvre d'éventuelles mesures.

À rebours de ses voisins, la Bulgarie avait annoncé jeudi lever l'embargo, au nom de « la solidarité avec l'Ukraine ». En cas de violation de droit de l'UE, Kiev menace de saisir l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour exiger une compensation.

La France et l'Allemagne opposées aux restrictions

Une partie des Vingt-Sept, France et Allemagne en tête, s'étaient farouchement opposés d'emblée à ces restrictions, dénonçant des distorsions du marché unique. Dans le même temps, les Européens s'efforcent de muscler tous azimuts les voies d'acheminement des céréales ukrainiennes vers le reste du monde après la fin mi-juillet de l'accord avec la Russie pour permettre le transit via la mer Noire.

L'UE a développé des corridors terrestres et fluviaux « de solidarité », à travers la Pologne et la Roumanie, qui ont permis d'acheminer 44,4 millions de tonnes de céréales ukrainiennes depuis le début de la guerre, soit 60 % de la production ukrainienne, afin d'approvisionner les pays consommateurs, notamment en Afrique.