Les Etats-Unis à quelques heures d'une probable grande grève dans l'automobile
Les grands constructeurs automobiles américains tentent jusqu'au bout de s'entendre sur les prochaines conventions collectives avec le puissant syndicat UAW, qui compte néanmoins annoncer dès jeudi soir les sites touchés par une grève risquant de déstabiliser le secteur et au-delà.
En deux mois de négociations, les représentants de l'United Auto Workers et les dirigeants des "Big Three" --General Motors, Ford et Stellantis, qui contrôle l'américain Chrysler-- n'ont pu trouver un terrain d'entente.
"Nous avons dit aux entreprises, depuis le début, que le 14 septembre (à minuit) était une date butoir, pas un jalon", a déclaré mercredi Shawn Fain, président de l'UAW.
"Nous ne laisserons pas le +Big Three+ continuer à faire traîner les discussions pendant des mois", a-t-il martelé.
Mais Jim Farley, patron de Ford, a indiqué en fin d'après-midi n'avoir toujours pas eu de retour de la contre-offre présentée au syndicat il y a plus de deux jours.
"Je ne sais pas ce que fait Shawn Fain mais il ne négocie pas ce contrat avec nous alors qu'il va expirer. Mais je sais qu'il est occupé à préparer une grève", a commenté M. Farley sur la chaîne CNBC.
Il veut "faire une grève historique dans les trois groupes mais nous voulons écrire l'histoire avec un accord historique", a-t-il lancé.
Le président de General Motors, Mark Reuss, a estimé peu avant lui sur la même chaîne qu'une grève constituerait "une issue très très triste" avec des conséquences importantes.
"Pour une personne dans nos usines qui ne travaille pas, ce sont six autres dans la communauté qui ne travaillent pas", a-t-il affirmé.
Un porte-parole de General Motors avait indiqué jeudi à la mi-journée qu'une nouvelle offre avait été adressée à l'UAW dans la matinée.
- "Bonne foi" -
Contacté par l'AFP, Stellantis n'a pas immédiatement répondu. Mercredi soir, l'entreprise affirmait vouloir "discuter de bonne foi pour parvenir à un projet d'accord" avant l'échéance.
L'UAW réclame un relèvement des salaires de 36% sur quatre ans, alors que les trois constructeurs américains n'ont pas été plus loin que 20% (Ford), selon le leader syndical.
Les trois géants historiques de Detroit ont notamment aussi refusé d'accorder des jours de congés supplémentaires et d'augmenter les retraites, assurées par des caisses propres à chaque entreprise.
Sauf compromis in extremis, le syndicat prévoit d'annoncer jeudi à 22H00 heure de New York, (02H00 GMT vendredi), quels sites seront touchés par des arrêts de travail.
Selon CNBC, huit sites des trois groupes dans le Michigan et les Etats voisins de l'Ohio et de l'Indiana pourraient être affectés, concernant 7.000 à 12.000 employés.
Le syndicat représente quelque 146.000 employés du trio aux Etats-Unis.
- Un risque pour Biden -
Pour Shawn Fain, le mouvement constitue un tournant, qu'il compare aux années 1930, notamment la grève de 1936-1937 chez General Motors à Flint (Michigan), véritable acte de naissance de l'UAW, créée en 1935.
Le cabinet de conseil Anderson Economic Group (AEG) estime qu'une grève de dix jours pourrait représenter plus de cinq milliards de dollars de perte de revenus pour l'économie américaine.
Et un conflit social prolongé pourrait avoir des conséquences politiques pour le président Joe Biden, dont le bilan économique est critiqué, en particulier du fait de l'inflation tenace installée aux Etats-Unis.
A un peu plus d'un an du scrutin présidentiel, le chef de l'Etat marche sur des oeufs, entre son soutien affiché aux syndicats et le spectre d'un coup porté à l'économie américaine par une grève.
Il a parlé par téléphone jeudi soir avec Shawn Fain et avec les dirigeants des constructeurs pour faire le point sur les négociations.
Mi-août, il avait plaidé pour un accord "gagnant-gagnant" et "équitable" renforçant les droits des travailleurs pendant la transition vers les véhicules électriques.
"Consommateurs et concessionnaires sont, en général, relativement protégés des effets d'une grève courte", a expliqué le vice-président du cabinet AEG, Tyler Theile.
Mais avec des stocks représentant un cinquième de ceux que possédait l'industrie en 2019, lors de la dernière grève chez GM, ils "pourraient être touchés beaucoup plus rapidement" qu'il y a quatre ans, selon lui.
"On arrive au quatrième trimestre, période durant laquelle on voit le plus de ventes de pick-ups et de gros SUV, qui sont très rentables pour ces trois constructeurs", rappelle Jessica Caldwell, du site spécialisé Edmunds.com.
"S'ils n'en ont pas suffisamment en stock, ils vont manquer des ventes", ajoute-t-elle.
A la clôture de Wall Street, les titres Stellantis (-0,58%) et Ford (-0,16%) baissaient et celui de GM était totalement stable.