STEPHEN GREGORY. La paix a besoin de votre voix.

STEPHEN GREGORY.                                                         La paix a besoin de votre voix.

Entrevue exclusive avec Stephen Gregory, fondateur et président du Forum international sur la Paix, la Sécurité et la Prospérité (www.psp-forum.org)

Diplomat investissement : De nombreux forums pour la paix existent déjà; pourquoi donc en lancer un nouveau ?

Stephen Gregory : Le moment choisi pour ce forum nous semble crucial. Le monde évolue de plus en plus rapidement, en particulier pour les jeunes qui semblent rivés à leur téléphone portable. Les jeunes que je côtoie me donnent l'impression d'être profondément déçus de la forme de l’état du monde que leur laissera ma génération. Ils sont profondément insatisfaits de tant d'aspects de nos sociétés, et ils ont raison de l'être. Ils sont mécontents de plusieurs questions essentielles concernant les possibilités d'emploi et de carrière, le coût de l'éducation, l'inflation galopante et son effet sur le coût de la vie, l'environnement et le racisme.  Et ne les faites pas parler de capitalisme ou de justice. Ils semblent juste vouloir démolir les choses.

Image title
Stephen Gregory, fondateur et président du Foruminternational sur la Paix, la Sécurité et la Prospérité


Pourquoi pensez-vous que c'est le cas ?

Eh bien, nos systèmes et nos structures nous ont fait défaut à bien des égards. Mais la paix dont jouissent de nombreux pays dans le monde n'est pas le fruit du hasard. Partout où l'on trouve la liberté et la paix, son prix a été payé en souffrances et en sacrifices humains.

      Aujourd'hui, nos jeunes peuvent facilement voir que la technologie et la bureaucratie gouvernementale constituent une menace pour notre liberté et, dans de nombreux cas, même au Canada, pour notre démocratie. Et ils observent que la richesse continue de se concentrer entre les mains d'un nombre de plus en plus restreint de personnes, la possibilité future d'une opportunité économique juste et égale étant certainement remise en question. Ceux qui persistent à détruire notre environnement ajoutent au risque futur d'inégalité, car les nations les plus pauvres seront les plus durement touchées par le changement climatique. Mais alors que les institutions des pays démocratiques s'efforcent de répondre aux attentes de notre jeunesse, notre monde est lui aussi devenu plus injuste, pour des raisons différentes.

Voyez-vous un lien avec la liberté et le soi-disant "déficit démocratique" ?

Oui ! Tout à fait. Selon Freedom House, près des trois quarts de la population mondiale ont vu leurs libertés se détériorer au cours de l'année écoulée. Les États démocratiques ont perdu du terrain et de l'influence pour la 15e année consécutive, car les États tyranniques ont utilisé la nécessité de mesures de santé publique pour imposer un contrôle plus complet et faire taire les opposants, écrasant ainsi la liberté qui est si vitale pour une paix et une prospérité durables. Même les nations démocratiques pacifiques, sûres et prospères sont confrontées à la cyber-agression d'États tyranniques qui limitent l'accès à l'information et empiètent sur les droits de leurs citoyens à un rythme alarmant.

     Et une grande partie de l'érosion des principes démocratiques et des libertés se produit lentement et discrètement. La paix et la liberté sont-elles sur le radar des étudiants et des enseignants ? Non !

Comment voyez-vous l'évolution de la situation dans un proche avenir?

La colère de nos jeunes est à son point culminant. Ils veulent de l'action. L'action peut signifier la destruction. Mais démolir les choses demande très peu d'imagination. Créer quelque chose qui a de la valeur demande du temps, des efforts, des sacrifices. Je ne suis pas sûr que nous ayons pris le temps d'aider nos jeunes à comprendre la signification des institutions, des systèmes et des structures qui font et maintiennent une société libre et sûre et qui, en fin de compte, jettent les bases de la prospérité.

     Ce forum a pour but de reconnecter nos jeunes avec les principes de base qui favorisent la collaboration et la prospérité dans des sociétés libres, sûres et justes. J'espère qu'avec une meilleure compréhension des rouages et des fondements de la liberté, de la justice et de la démocratie, nos jeunes s'efforceront de maintenir et d'améliorer les institutions qui ont mis des siècles à se développer.  Démolir les structures de nos sociétés sans plan d'innovation et d'amélioration créera un vide désagréable et la nature cherche à combler tout vide.

Comment votre Forum pour la paix, la sécurité et la prospérité espère-t-il influencer l'opinion de nos jeunes ?

Nous espérons contrer  à ce que nous pensons être fondamentaux. Le premier est que, puisqu'un pays donné n'est pas en guerre, il n'a pas besoin de forces armées. Le second malentendu découle de la croyance que les pays vertueux qui valorisent les droits de l'homme, la liberté d’expression et la liberté personnelle peuvent et doivent envoyer leurs troupes dans des situations dans le monde où il est nécessaire de mettre fin à la violence et aux abus, puis d'établir et de maintenir la paix.

       Prenons l'exemple du Canada. En ce qui concerne le premier malentendu, le Canada est classé parmi les 10 pays les plus pacifiques du monde, selon l'indice de paix mondial de l'IEP. Donc, je comprends parfaitement pourquoi certains se posent la question, "Pourquoi avons-nous une armée ?" Encore plus, certains mêmes se demandent pourquoi nous avons besoin de forces de l’ordre. À mon avis, la majorité des Canadiens ne réalisent pas que, chaque jour, plus de 350 000 personnes en uniforme se déploient au Canada pour en assurer la sécurité. Mais les professionnels qui s'acquittent de cette tâche, policiers, pompiers, ambulanciers, etc., ont un niveau de compétences et des capacités qui sont limités et de nature purement nationale. Lorsque surviennent des situations qui menacent les Canadiens, en dehors de la capacité des ressources locales, nous avons besoin, pour préserver et soutenir les libertés de notre constitution et la base économique et civile de notre société, d'une autre force. Nous appelons cette force les Forces armées canadiennes.

Quant au second malentendu, à savoir que nos troupes peuvent instaurer et maintenir la paix.

    Eh bien, cela n'arrive jamais. Tout d'abord, nos forces armées ne décident pas de l'endroit où elles vont. On leur   demande toujours d'aller faire des choses. Et toujours par les mêmes personnes, nos dirigeants élus. Notre parlement et notre gouvernement décident quand nos  soldats "partent en guerre" ou "partent pour faire la paix". Mais en réalité, nos soldats, et d'ailleurs les forces armées de n'importe quel pays, peuvent mettre fin à la violence, parfois à grande échelle, et le font. Ils appliquent la force pour arrêter la force. Si la paix est définie comme une   absence de violence, alors ils peuvent  l'atteindre. Mais c'est la limite de leur    capacité.

     Parce que pour établir et maintenir la paix, il faut engager les citoyens et construire des organisations qui créent les conditions d'une Paix Positive. Les piliers de la Paix Positive relèvent dans une très large mesure de l'effort civil.(1)   Par exemple, un militaire peut-il assurer un "gouvernement qui fonctionne bien" ? Bien sûr, la réponse est non. Les citoyens, et nos dirigeants politiques, doivent intervenir et faire en sorte que le gouvernement fonctionne correctement.

Pourquoi l'armée participe-t-elle à un Forum de la paix ?

Les soldats sont des citoyens comme les autres, à l'exception de deux caractéristiques. Il s'agit de leur formation spéciale et de la nature de leur engagement unique. Quelle meilleure façon de demander aux personnes qui ont vécu la guerre, de se battre pour la paix, que de s'engager comme participants à part entière dans ce forum ? Il me semble absurde que les personnes qui ont le plus d'expérience sur le terrain pour mettre fin à la violence ne soient pas invitées à participer à la conversation. Ils connaissent leurs limites et savent que le mieux qu'ils puissent faire est d'offrir la sécurité et de maintenir pendant un certain temps une exposition limitée à la violence.

Pourquoi la Sicile ?

     Le monde a été amené à une guerre à l’échelle planétaire pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui était la deuxième fois en moins de 30 ans, soit à peine une génération. Les dirigeants du monde ont dû accepter les erreurs des traités de paix signés après la Première Guerre mondiale. En 1943, lors de l'invasion de la     Sicile, les Alliés ont tenu à s'assurer que ces erreurs ne se répètent pas.

      Immédiatement après l'invasion, les Alliés occidentaux (États-Unis, Grande-Bretagne, Canada et autres) ont mis en place le gouvernement militaire allié des territoires occupés. Certes, il a imposé des sanctions brutales pour toute forme de   sabotage et a certainement commis des erreurs, mais il a efficacement et relativement rapidement mis en place des  structures fonctionnelles qui ont permis à la société civile de réapparaître et de se reconstruire. Les leçons de la Sicile, si elles avaient été appliquées en Irak après l'opération Tempête du désert, auraient pu éliminer ou, à tout le moins, réduire considérablement la montée de l'ISIS et, ce faisant, sauver des centaines de milliers de vies.

Qui est votre public ?

Nous voulons réunir des lycéens, des    cadets d'académies militaires et d'autres étudiants du monde entier pour qu'ils échangent leurs idées et entendent           directement ceux qui ont fait l'expérience de la construction de la paix. Nous pensons que les jeunes âgés de 15 à 18 ans sont les plus concernées.

      La curiosité de la technologie et la pression constante d'informations         distrayantes ont créé un monde qu'il est presque impossible de comprendre. Nous espérons que cette chance de faire entendre leur voix sur la scène nationale et      internationale les incitera à prendre un certain recul et à réfléchir à la manière dont ils jouissent de la paix aujourd'hui et à la façon dont ils peuvent contribuer de manière positive au maintien de la paix et de la liberté dans leurs pays respectifs. Nous espérons que ce forum constituera une riche ressource pour les enseignants qui souhaitent aider leurs élèves à se faire une idée réelle des limites de l'action militaire et à prendre pleinement conscience de l'importance que leur voix peut avoir dans la reconstruction de sociétés pacifiques, sûres et prospères.

Que voulez-vous atteindre ?

Nous voulons offrir aux jeunes cette occasion de s'ouvrir au monde. Les participants issus de démocraties plus solides peuvent développer un grand sentiment que leurs voix pour la paix et la liberté sont nécessaires même chez eux. Nous espérons qu'en participant à ce forum, ils pourront réfléchir au rôle qu'ils peuvent jouer dans l'élaboration et la construction de meilleures institutions où la justice est équitable et les chances égales pour tous.                                 n  

Qui est Stephen Gregory ?

Stephen (Steve) Gregory, MSM, dirige depuis 1989 IsaiX Technologies Inc., une entreprise spécialisée dans le développement organisationnel et la technologie pour les ventes. En outre, il siège en tant qu'administrateur au conseil d'administration de deux sociétés publiques cotées à la Bourse de Toronto.

    En 2006, il a cofondé la "3e Batterie de l'Artillerie de Montréal", un organisme de bienfaisance qui soutient les cadets et les anciens combattants. En 2015, il a cofondé la campagne Respect, qui facilite une initiative de réseautage national impliquant des forums dans plus de 20 villes canadiennes. Ce réseau favorise la collaboration entre les intervenants qui soutiennent la santé mentale de nos hommes et femmes en uniforme. À  divers titres, il a aidé à recueillir plus de 3 millions de dollars pour les familles de miltaires et diverses initiatives de sensibilisation communautaire.

Image title
Stephen (Steve) Gregory


 Steve est le colonel honoraire du 2e Régiment d'artillerie de campagne de l'Artillerie royale canadienne. Il a reçu la médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II, la médaille du service méritoire et des éloges du ministre des Anciens Combattants et du commandant de l'Armée de terre du Canada pour son travail à l'appui de nos troupes et de nos anciens combattants.    


Forum international pour la Paix, la Sécurité & la Prospérité 2022

La conférence du 17 au 18 février 2022 aura pour thème ''GAGNER LA PAIX'' et nous permettra de réfléchir sur les activités post-conflits qui créent et assurent une certaine   « paix négative » tout en jetant les bases de la Paix Positive. Nous avons tous en tête les images stupéfiantes du départ précipité des forces alliées d’Afghanistan à la mi-août 2021, alors que les Talibans s’installaient tranquillement au pouvoir à Kaboul au terme d’une intervention occidentale qui aura duré vingt ans. Les nouvelles en provenance d’Iraq, de la Syrie, de l’Éthiopie, du Yémen et du Mali entre autres ne sont pas plus encourageantes.  Les crises contemporaines qui conduisent à des interventions militaires sont difficilement suivies de paix, sécurité et prospérité…  Pourquoi? 

       Le Forum international sur la Paix, la Sécurité et la Prospérité 2022 s’attardera à cette quetion par le biais de quatre tribunes où échangeront des universitaires, des experts opérationnels, des étudiants d’institutions militaires et civiles ainsi que des élèves d’écoles secondaires.

     La première tribune s’attardera sur les concepts de Paix Positive et de paix négative.  La paix ne signifie pas uniquement l’absence de violence, de conflits armés.  La saine gouvernance, une reprise économique, la justice et la coopération ne constitueraient-elles pas entre autres des composantes primordiales dans l’instauration d’un véritable climat de paix?

La deuxième tribune au thème plus historique nous rappellera une tentative de gouvernance post-conflits propre à la Deuxième guerre mondiale.  Le gouvernement militaire allié des territoires occupés (Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT)), prévoyait un système de gouvernance civilo-militaire ayant pour but d'administrer les territoires libérés au cours du deuxième conflit mondial en attendant l'établissement d’un gouvernement légitime.  Quelles leçons peuvent être retenues de cette initiative ?

      Notre troisième tribune se penchera sur un objet d’analyse un peu plus récent.  Nous commémorons le 30ème anniversaire de l’intervention canadienne et internationale dans les Balkans, dans le cadre de diverses missions.  Cette partie du monde n’est pas aujourd’hui exempte d’enjeux importants, mais les conflits violents y sont tout de même contenus.  Comment expliquer l’instauration d’une Paix Positive limitée dans cette région à la suite des périodes conflictuelles des    années 90 ? 

      Finalement, notre quatrième tribune sera consacrée aux essais et vidéos gagnants reliés aux thèmes étudiés dans le cadre de ce forum et soumis par des élèves d’écoles secondaires.

Les tribunes seront d’une durée de 60 minutes et seront suivies d’une période de questions de 15 minutes.  

(1)    Voir les articles "La Paix Positive est transformatrice" et "Qu'est-ce que la Paix Positive ?" dans ce numéro.               

Pour de plus amples informations et s’inscrire :

psp-forum.org