YEMBA LOHAKA : Un diplomate de carrière au service de son pays.
Le Chargé d’Affaires a.i. de la RDC au Canada M. Yemba Lohaka est un diplomate de carrière et chevronné, homme des dossiers, dynamique et compétent. Depuis son arrivée au Canada, il ne cesse de sillonner le pays pour promouvoir non seulement les atouts économiques de la RDC et surtout pour sensibiliser l’opinion publique canadienne sur l’impact de la première passation du pouvoir historique et civilisé de son pays. Il a accepté de répondre à nos questions.
Diplomat investissement: Vous venez d’être nommé Chargé d’Affaires de votre pays au Canada. Comment se porte la coopération entre votre pays et le Canada ?
Conformément à la nouvelle politique d’aide internationale féministe du Canada, les initiatives annoncées par la ministre contribueront à surmonter certaines de ces difficultés et à améliorer la vie des Congolais les plus vulnérables, en particulier les femmes et les enfants.
Au cours de ce mois de janvier 2020, soit deux mois après l'investiture du nouveau gouvernement au Canada, une mission conduite par l'Honorable Karina Maxime Gould, Ministre canadien du Développement international s’est rendue en RDC pour notamment s'enquérir sur les enjeux de la consolidation de la paix dans notre pays.
Rappelons que le Canada qui préside actuellement la Commission des Nations Unies sur la Consolidation de la Paix, finance en RDC des projets locaux par l’intermédiaire du Fonds canadien d’initiatives locales (FCIL) géré par l’ambassade du Canada à Kinshasa, notamment dans le secteur de la santé et octroie des bourses d'études par l’entremise du programme canadien de bourses de la Francophonie.
Notre souhait est de voir cette coopération s’intensifier et se diversifier dans le but de rejoindre le plus grand nombre possible des congolaises et congolais dans le besoin. Ce souhait sera concrétisé dans mon plan d’action qui va s’inspirer du discours-programme que le Président de la République, Son Excellence Monsieur Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, a présenté, le 13 décembre 2019, devant les deux Chambres du Parlement Congolais réunies en congrès et qui tiendra compte des réalités canadiennes.
Depuis votre nomination au Canada, quelles seront les principales actions que vous comptez mener au Canada ou plus précisément quel est votre plan d’action ?
Notre plan d’action : il va s’articuler autour de trois (3) axes, la Diaspora congolaise du Canada, la Société civile canadienne et le Gouvernement canadien dans son sens le plus large, car nous entendons en appeler à tous les paliers du Gouvernement, conformément aux règles établies.
• Sensibiliser la Diaspora congolaise du Canada au rôle lui assigné par le discours-programme du 13 décembre 2019, qui servira de référence. Ensemble avec la Diaspora congolaise, nous discuterons des voies et moyens qui pourraient permettre à leurs membres de contribuer efficacement au développement économique de leur pays d’origine, la RDC. Ces discussions conduiront à l’élaboration du cadre dans lequel seront définies les différentes actions concrètes à entreprendre pour rendre réelle la contribution tant attendue d’elle.
• La République Démocratique du Congo est déjà très reconnaissante de tout ce que le Canada accomplit sur le terrain, à travers son aide. Alors faut-il en rester là ? La réponse est "non". Le Canada, un pays ami de longue date, peut faire plus. Si l’aide canadienne permet, à terme, à l’économie congolaise de prospérer et de croitre, l’expansion de cette économie aurait un impact indéniable sur les pays voisins qui partagent la frontière avec la RDC.
La coopération Canado-Congolaise doit se diversifier et s’intensifier. Il est donc grand temps que nous puissions commencer à parler de coopération industrielle. Le Canada, avec ses programmes de subvention aux entreprises canadiennes qui veulent exporter leurs technologies, pourra encourager pareilles firmes à prendre pied dans un pays comme la RDC.
Une industrie installée en RDC ne produirait pas seulement pour la RDC, mais aussi pour les neuf (9) autres pays limitrophes. Le discours-programme du Président Tshisekedi vise la mise en œuvre des actions concrètes destinées à assainir le climat d’affaires en RDC.
• Environnement Politique et sécuritaire : la stabilité politique avec un premier transfert pacifique du pouvoir depuis l’indépendance du pays ; la stabilité des institutions, l’effort du Président pour mettre fin à l’insécurité dans le nord au pays.
• Environnement Juridique : les lois de la RDC pour garantir les investissements étrangers, l’effort du Chef de l’État pour lutter contre la corruption et l’impunité, l’effort du gouvernement pour améliorer le climat des affaires pour les investissements et les entreprises étrangères.
• Environnement économique: (promouvoir les atouts économiques de la RDC pour attirer les financements et les investissements canadiens, promouvoir les réformes initiées par le gouvernement dans le cadre des finances publiques, les mesures prises par le gouvernement pour assainir les finances publiques ; l’effort du gouvernement pour maintenir la stabilité du cadre macroéconomique en RDC).
• Investissements et échanges commerciaux
Les investissements miniers canadiens en RDC sont importants mais les investissements pour la diversification de l’économie sont absents. Les relations commerciales entre le Canada et la RDC sont modestes. En 2017, les échanges bilatéraux entre les deux pays se sont élevés à environ 54.6 millions de dollars. Les exportations canadiennes ont atteint 13,6 millions de dollars principalement avec le textile, les matériaux de transport et la machinerie. Les importations canadiennes étaient de près de 41 millions de dollars comprenant le cacao, le bois, les pierres précieuses et les métaux.
Je ne ménagerai aucun effort pour aller dans les différentes chambres de commerce canadiennes pour expliquer à leurs membres l’avantage à prendre pied dans un pays aussi stratégique que la RDC.
• Accords commerciaux, Il n’y a aucun accord en vigueur entre les deux pays. Pourtant les deux pays avaient entamé des négociations bilatérales en février 2015, en vue de parvenir à un Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE), mais celles-ci sont fort malheureusement au point mort depuis maintenant cinq ans. En l’absence d’un Accord de protection des investissements, le climat actuel des affaires poserait de sérieux défis aux entreprises canadiennes.
Mon objectif est de travailler pour faciliter la conclusion d’un Accord qui pourrait grandement contribuer à accroître les investissements canadiens en République démocratique du Congo et favoriser la croissance et le développement économique du pays. À cet effet, le cadre adéquat demeure la convocation d’une Réunion de Commission Mixte entre les deux pays.
•Aide au développement international
Plaider pour que le Canada augmente son aide pour la RDC à travers le renforcement des capacités des institutions publiques qui est au cœur de la stratégie du Canada, lequel souhaite contribuer à mettre en place un État plus démocratique, plus prospère et plus équitable. Nous allons aussi plaider pour une aide humanitaire substantielle aux populations touchées par les conflits. Également, nous allons encourager le Canada à travailler à renforcer le système de santé congolais en ciblant les besoins prioritaires des populations démunies, en particulier ceux des mères, des enfants et des jeunes.
Malgré l’alternance pacifique du pouvoir opérée en RDC, l’opinion publique canadienne est mal informée des efforts du gouvernement en faveur de la paix, de la sécurité, de la stabilité économique, du développement des outils de la démocratie et de la défense des droits de l’homme. Ces efforts et transformations du Gouvernement congolais sont peu connus des décideurs et des acteurs économiques clés du Canada. Comment comptez-vous les sensibiliser ?
•Je me mets à la disposition de tous pour expliquer la signification réelle de la passation historique du pouvoir sans effusion de sang que la RDC a connue à l’issue de l’élection de décembre 2018. Les effets de ce premier transfert pacifique du pouvoir en RDC sont déjà palpables : la consolidation de la paix, la stabilité retrouvée, les médias libéralisés, la libération des prisonniers politiques, les réunions et les meetings politiques sont autorisés.
•Les affrontements, les violences et l'effusion de sang qu’on redoutait ne se sont pas matérialisés. Cet évènement sera un tournant majeur dans la stabilité de la RDC et contribuera à attirer les investisseurs pour permettre à la RDC de développer son économie.
•Nous en appelons à nos amis canadiens de nous aider à consolider ces acquits qui sont encore fragiles. La visibilité de la RDC au Canada doit devenir réalité. C’est pourquoi, je ferai tout pour être présent partout où le devoir m’appellera pour aller apporter aux canadiens le message de paix et de réconciliation du peuple congolais, car les nouvelles véhiculées par les médias traditionnels sont souvent biaisées à dessein.
Le Président de la République a décrété que l’année 2020 sera une année d’action pour la RDC. Quelles sont les actions que vous prendriez au Canada pour accompagner le Chef de l’État à réaliser ses objectifs ?
Plus haut, j’ai annoncé un certain nombre d’actions que je compte entreprendre comme faisant partie de mon plan d’action, lesquelles actions me sont inspirées par le discours-programme du Président de la République. Nous pouvons simplement insister quelques points qui résument les grandes préoccupations du Chef de l’État Congolais :
•Le soutien à l’ambitieux programme de la gratuité de l’éducation en RDC serait aussi hautement apprécié ;
•Appuyer la campagne de consolidation de la paix entreprise par le gouvernement congolais à l’Est du pays ou les forces négatives et les groupes armés continuent à semer violences et désolations parmi les populations.
Quelles sont les opportunités d’affaires ou les secteurs d’activités que la RDC peut offrir au Canada et vice-versa ?
• L’énergie
• La santé
• L’Éducation et la formation
• Les Mines
• L’Agriculture
• Les infrastructures
• La télécommunication
• Les voies de communication transport
On parle de plus en plus de la diplomatie des affaires. Quelles stratégies préconisez-vous pour attirer non seulement les financements, les investissements mais aussi les entreprises canadiennes dans votre pays ?
La pratique diplomatique a opéré une mutation majeure au cours des dernières décennies, voyant ses objectifs se tourner vers l’économie, le commerce et les intérêts du secteur privé. De nouveaux acteurs ont également fait leur entrée sur la scène diplomatique en misant sur les affaires et les investissements.
•Donc la diplomatie s’oriente de manière croissante vers l’économie, le commerce et les investissements.
•Mon rôle au Canada consiste notamment à promouvoir les intérêts économiques de la RDC au Canada par plusieurs moyens. C'est le cas du soutien au secteur privé congolais lors des activités telles que les missions commerciales au Canada, de l'organisation ou participation à des missions économiques en RDC, de la promotion des investissements et financements créateurs d’emplois en RDC.
•Bref, pour moi la diplomatie économique touche à des domaines divers et variés comme le commerce, l’investissement, les migrations, l’aide au développement, et utilise comme outils les relations, l’influence et la négociation. C’est ce que je compte faire au Canada.
Pour terminer, comment voyez-vous l’avenir de la RDC et quel message souhaiteriez-vous adresser aux décideurs canadiens ?
La RDC est un pays-continent qui regorge d’énormes potentialités dans tous les domaines. Ces ressources naturelles sont presque inexploitées. Pour mettre ces dernières en valeur, il faut des capitaux tant financiers que matériels. Le pays renferme un atout géostratégique de taille : la RDC fait frontière avec neuf (9) pays. En termes économiques, cela représente un marché potentiel réunissant ces neuf (9) pays. Une industrie installée en RDC produirait à toutes fins pratiques pour tous les dix (10 ), c’est-à-dire la RDC et ses neuf (9) voisins.
Avec ses 80 millions d’habitants, la RDC est le pays francophone le plus peuplé de la planète avec lequel on peut compter dans le contexte canadien.
Le nouveau pouvoir en place envoie des signaux positifs aux partenaires extérieurs non négligeables. Mais ce pouvoir a besoin des appuis de ces partenaires pour se consolider.