Mort de Kofi Annan, ancien chef de l’ONU et vedette de la diplomatie mondiale

Mort de Kofi Annan, ancien chef de l’ONU et vedette de la diplomatie mondiale


L’ancien secrétaire général de l’ONU et prix Nobel de la paix Kofi Annan est mort samedi à 80 ans, provoquant une pluie d’hommages à celui qui avait accédé au rang de vedette de la diplomatie mondiale durant ses dix années à la tête des Nations unies.

«C’est avec une immense tristesse que la famille Annan et la Fondation Kofi Annan annoncent que Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies et lauréat du Nobel de la paix, est décédé paisiblement samedi 18 août après une courte maladie», a déclaré sa fondation dans un communiqué de Genève.

Sa femme et ses enfants étaient à ses côtés pour ses derniers jours en Suisse où il vivait.

Les hommages ont immédiatement afflué, du Ghana, son pays natal, à l’actuel secrétaire général de l’ONU ou aux présidents français et russe.

Hommages

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a salué «une force qui guidait vers le bien».

« C'est avec une immense tristesse que la famille Annan et la Fondation Kofi Annan annoncent que Kofi Annan [...] est décédé paisiblement le samedi 18 août après une courte maladie », a déclaré la Fondation dans un communiqué. Il était entouré de sa femme, Nane, et de ses trois enfants, Kojo, Ama et Nina.

L'actuel secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a salué en son prédécesseur « une force qui guidait vers le bien ». « De bien des manières, Kofi Annan incarnait les Nations unies. Il est sorti des rangs pour diriger l'organisation vers le nouveau millénaire avec une dignité et une détermination sans égales. »

Justin Trudeau a, de son côté, tenu à rappeler le legs de Kofi Annan, qui « n'a pas seulement parlé de bâtir un monde plus juste et pacifique, il a consacré sa vie à cette cause ».

Grâce à lui, notre monde est un monde meilleur. Il n'en tient qu'à nous de continuer le travail qu'il a commencé.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« Kofi Annan était un diplomate et un humanitaire qui incarnait la mission des Nations unies comme peu d'autres l'ont fait, a souligné Barack Obama, ancien président des États-Unis. Son intégrité, son abnégation, son optimisme et son sens de notre humanité commune ont toujours guidé son action envers la communauté des nations. »

M. Trudeau joignait ainsi sa voix à celles de plusieurs membres de la classe politique canadienne qui ont souligné le décès du diplomate en chef.

Le prédécesseur de M. Obama, George W. Bush, a de son côté lui aussi rendu hommage à Kofi Annan, lui qui a eu maille à partir avec le diplomate dans le contexte de la guerre en Irak en 2003. « Kofi était un homme bon et un infatigable patron des Nations unies. Son expérience va manquer partout dans le monde. »

« C'est vraiment une perte considérable », a déploré à son tour, en entrevue à RDI, la diplomate canadienne Louise Arbour, qui avait été nommée en 2004 au poste de haute-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme par Kofi Annan.

C'est un homme qui a représenté et qui continue de représenter des valeurs qui sont en perte de vitesse dans le monde actuel. Des valeurs de paix, de justice, de compassion, d'humanité.

Louise Arbour, représentante spéciale du secrétaire général de l'ONU pour les migrations

« Nous n'oublierons jamais son regard calme et résolu ni la force de ses combats », a pour sa part tweeté le président français Emmanuel Macron, peu après l'annonce du décès du diplomate.

Il a grandement contribué à rendre le monde meilleur, a renchéri la première ministre de la Grande-Bretagne, Theresa May, ajoutant qu'il avait joué un rôle de réformateur à l'ONU.

Le président russe Vladimir Poutine a salué la « contribution personnelle » de Kofi Annan à la diplomatie internationale. « J'ai sincèrement admiré sa sagesse et son courage, sa capacité à prendre des décisions réfléchies même dans les situations les plus complexes et critiques », a-t-il affirmé.

Kofi Annan est assis à un bureau et fait un signe de la main.À part quelques années passées comme directeur du tourisme du Ghana, Kofi Annan a consacré 40 ans de sa vie professionnelle aux Nations unies. Sur cette photo, il préside l'Assemblée générale de l'organisation en 2006. Photo : Reuters/Mike Segar

Le président ghanéen Nana Akufo-Addo a décrété une semaine de deuil national à partir de lundi. Le Ghana est « profondément attristé » par le décès de l'illustre enfant du pays, a-t-il déclaré.

Un diplomate de carrière

Premier secrétaire général issu des rangs du personnel, Kofi Annan a consacré 40 ans de sa vie professionnelle aux Nations unies.

Il a d'abord dirigé les ressources humaines de l'ONU, puis les affaires budgétaires, avant de chapeauter à partir de 1993 le maintien de la paix et d'être propulsé quatre ans plus tard à la tête de l'organisation.

Kofi Annan marche en compagnie d'un général à travers les soldats de la FINUL.Kofi Annan inspecte des Casques bleus de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), en 2006. Photo : AFP/Getty Images/ZOHRA BENSEMRA

Kofi Annan a contribué à rendre l'ONU plus présente sur la scène internationale pendant ses deux mandats, de 1997 à 2006.

Premier secrétaire général issu de l'Afrique subsaharienne, le Ghanéen a dirigé l'organisation pendant la période troublée de la guerre en Irak. Son bilan a toutefois été terni par des accusations de corruption dans l'affaire « pétrole contre nourriture » en 2005.

Innocenté par une commission d'enquête, il était considéré comme l'un des dirigeants de l'ONU les plus populaires au moment de son départ.

Conjointement avec l'organisation, il a reçu en 2001 le prix Nobel de la paix pour ses « efforts en faveur d'un monde mieux organisé et plus pacifique ».

J'ai essayé de placer l'être humain au centre de tout ce que nous entreprenons : de la prévention des conflits au développement et aux droits [de la personne].

Kofi Annan, au moment de recevoir son prix Nobel à Oslo

Son ascension n'a toutefois pas été sans taches.

Une stature morale acquise à la dure

Il a notamment dirigé les Casques bleus lors du génocide au Rwanda, en 1994, année où ils se sont retirés du pays en proie au chaos et aux violences ethniques.

C'est également lui qui était le chef des soldats de la Forpronu qui ont assisté, impuissants, au massacre de 7000 civils musulmans par des Serbes à Srebrenica, en Bosnie, en 1995.

Kofi Annan est en conférence de presse; le drapeau de l'ONU est affiché derrière lui.Kofi Annan, alors qu'il était à la tête des opérations du maintien de la paix en 1993. Photo : AFP/Getty Images/HOCINE ZAOURAR

Il a cependant acquis la stature morale qu'on lui connaît en admettant publiquement ses erreurs.

Ces échecs, écrit Kofi Annan dans son autobiographie, « m'ont confronté à ce qui allait devenir mon défi le plus important comme secrétaire général : faire comprendre la légitimité et la nécessité d'intervenir en cas de violation flagrante des droits de l'homme ».

Il a créé une fondation consacrée au développement durable et à la paix et fait partie du groupe des Elders, créé par Nelson Mandela pour promouvoir la paix et les droits de la personne.

Indépendant des grandes puissances

Kofi Annan devait sa nomination comme septième secrétaire général de l'ONU aux États-Unis, qui avaient mis leur veto à un second mandat de son prédécesseur, l'Égyptien Boutros Boutros-Ghali.

Cela ne l'a pas empêché de faire preuve à l'occasion d'indépendance vis-à-vis des grandes puissances. Il avait ainsi irrité Washington en estimant « illégale » l'invasion de l'Irak en 2003 parce que cette opération n'avait pas été entérinée par le Conseil de sécurité.

En février 2012, il est choisi par l'ONU et la Ligue arabe pour mener une médiation dans la guerre en Syrie, mais il jette l'éponge cinq mois plus tard. Il accuse alors les grandes puissances d'avoir, par leurs dissensions, transformé sa médiation en « mission impossible ».

Kofi Annan et Bachar Al-Assad sont assis l'un à côté de l'autre et discutent.Kofi Annan, qui a oeuvré comme envoyé spécial des Nations unies et de la Ligue arabe pour la Syrie, rencontre le président Bachar Al-Assad à Damas, en 2012. Photo : Reuters/Sana Sana

Ces dernières années, Kofi Annan avait repris du service sur la scène diplomatique, prenant la tête d'une commission sur les droits des musulmans rohingyas, dont 700 000 ont été poussés à fuir au Bangladesh l'année dernière face à la répression de l'armée birmane.

«Nous n’oublierons jamais son regard calme et résolu, ni la force de ses combats», a tweeté le président français Emmanuel Macron.

En Russie, le président Vladimir Poutine a déclaré avoir «sincèrement admiré la sagesse et le courage» du diplomate.

Le Premier ministre britannique Theresa May a rendu hommage à «un grand leader et réformateur de l’ONU » tandis que son homologue espagnol Pedro Sanchez évoquait « un grand humaniste».  

Kofi Annan fut le premier secrétaire général issu de l’Afrique sub-saharienne et le Ghana, où il était né, a décrété une semaine de deuil à partir de lundi.

«Il a considérablement contribué au renom de notre pays par sa position, par sa conduite et son comportement dans le monde», a déclaré le président ghanéen Nana Akufo-Addo.

*En Afrique du Sud, le parti au pouvoir, l’ANC, s’est souvenu d’un «fils éminent de l’Afrique» qui a oeuvré «en faveur (des pays) du Sud en développement». 

Un autre prix Nobel de la paix, l’archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu a de son côté évoqué «un remarquable être humain qui a représenté notre continent et le monde avec une immense grâce, intégrité et distinction».

Bilan terni

Diplomate de carrière, Kofi Annan a contribué à rendre l’ONU plus présente sur la scène internationale pendant ses deux mandats, de 1997 à 2007.

Il a dirigé l’organisation pendant la période troublée de la guerre en Irak, avant de voir son bilan terni par des accusations de corruption dans l’affaire «pétrole contre nourriture».

A son départ, il était cependant un des dirigeants de l’ONU les plus populaires. Conjointement avec l’organisation, il a reçu en 2001 le Prix Nobel de la Paix pour ses «efforts en faveur d’un monde mieux organisé et plus pacifique».

«J’ai essayé de placer l’être humain au centre de tout ce que nous entreprenons: de la prévention des conflits au développement et aux droits de l’Homme», avait-il déclaré en acceptant le Nobel à Oslo.

Kofi annan avait d’abord dirigé les ressources humaines de l’ONU, puis les affaires budgétaires, avant de chapeauter à partir de 1993 le maintien de la paix et d’être propulsé quatre ans plus tard à la tête de l’organisation.

Lorsqu’il dirigeait le département de maintien de la paix, l’ONU a connu deux des épisodes les plus sombres de son histoire: le génocide rwandais et la guerre en Bosnie.

Les Casques bleus se sont retirés en 1994 du Rwanda en proie au chaos et aux violences ethniques. Et un an plus tard, l’ONU n’a pas su empêcher les forces serbes de massacrer plusieurs milliers de musulmans à Srebrenica, en Bosnie.

«Rock-star de la diplomatie»

Annan s’était vite adapté à son nouveau rôle de diplomate en chef, multipliant les apparitions à la télévision et les participations aux dîners mondains à New York. Jusqu’à devenir une vedette, qualifié par certains «rock star de la diplomatie».

Il devait sa nomination aux États-Unis, qui avaient mis leur veto à un second mandat de son prédécesseur, l’Egyptien Boutros Boutros-Ghali.

Cela ne l’a pas empêché de faire preuve à l’occasion d’indépendance. Il avait ainsi irrité Washington en estimant «illégale» l’invasion de l’Irak en 2003 parce que cette opération n’avait pas été entérinée par le Conseil de sécurité.

Né en avril 1938 à Kumasi, au Ghana, fils d’un cadre d’une filiale du groupe anglo-hollandais Unilever, Kofi Annan avait étudié à l’université de Kumasi, puis grâce à une bourse, dans une université américaine, avant d’entrer à l’Institut des hautes études internationales de Genève.

En 1984, il épouse en secondes noces Nane Lagergren, une juriste suédoise.

En février 2012, il est choisi par l’ONU et la Ligue arabe pour mener une médiation dans la guerre en Syrie, mais il jette l’éponge cinq mois plus tard. Il accusera les grandes puissances d’avoir par leurs dissensions transformé sa médiation en «mission impossible».

Il avait créé une fondation consacrée au développement durable et à la paix et fait partie du groupe des Elders (terme anglais signifiant «les anciens» ou «les sages»), créé par Nelson Mandela pour promouvoir la paix et les droits de l’homme.

Amnesty International a rendu hommage à «un champion de la justice, de la paix et de la dignité».