Collèges et instituts Canada : Une institution et un système ouverts sur le monde

Collèges et instituts Canada : Une institution et un système ouverts sur le monde

Denise Amyot est la présidente-directrice générale de Collèges et instituts Canada (CICan), l’association nationale qui représente les collèges, cégeps et instituts publics du Canada. Elle est également la présidente sortante de la World Federation of Colleges and Polytechnics et une intervenante respectée en matière d’éducation postsecondaire à l’échelle nationale et internationale. Elle a bien voulu nous accorder l’entrevue qui suit :

Diplomat investissement : Madame la Présidente, pourriez-vous nous présenter votre institution, sa mission, ses priorités et ses activités?

Mme Denise Amyot : Collèges et instituts Canada (CICan) est le porte-parole national et international des collèges communautaires, instituts de technologie et cégeps publics canadiens, soit les établissements postsecondaires qui se spécialisent en formation professionnelle et technique. Nous travaillons de près avec le gouvernement fédéral, le secteur privé et de nombreux partenaires nationaux et internationaux pour faire valoir un enseignement postsecondaire axé sur l’emploi qui profite aux apprenants et contribue à la croissance et à la prospérité des collectivités.

Denise Amyot est la présidente-directrice générale de Collèges et instituts Canada
Mme Denise Amyot, présidente-directrice générale de Collèges et instituts Canada

Madame la Présidente, dernièrement, Collèges et instituts Canada (CICan) avait accueilli favorablement la création du nouveau Comité de coordination de la recherche au Canada (CCRC). Il appuiera le développement de la recherche dans tout le pays. Quel est le mandat de ce Comité de coordination? Quelle est la place de CICan dans ce processus de coordination?

Le CRCC a reçu le mandat d’améliorer la collaboration entre les conseils subventionnaires et la Fondation canadienne pour l’innovation afin de mieux épauler la recherche au pays. Pour nous, cet examen des programmes d’appui à la recherche tombe à point puisque le besoin ne cesse de grandir dans les collèges et instituts. Au cours des dernières années, nos membres sont devenus de véritables chefs de file en matière de recherche appliquée et travaillent de près avec une foule de partenaires issus des secteurs privés et communautaires (plus de 6800 en 2015-2016). Malheureusement, le financement fédéral peine à suivre la croissance de ces activités, qui contribuent pourtant à la croissance économique canadienne et à l’innovation. En ce moment, nos membres n’ont accès qu’à 2.5% des fonds disponibles pour la recherche menée dans les établissements postsecondaires, ce qui est loin d’être suffisant.

Les collèges et instituts canadiens sont reconnus à l’échelle mondiale comme étant des chefs de file en matière d’éducation postsecondaire centrée sur la pratique et la formation professionnelle. Quels sont les critères d’une telle performance? Quels sont les moyens mis en œuvre par CICan pour atteindre ce niveau à échelle mondiale?

L’approche adoptée par les collèges et instituts canadiens et que nous partageons avec nos nombreux partenaires est basée sur un modèle d’éducation axé sur l’emploi. C’est-à-dire que chaque programme permet de préparer les étudiants à intégrer le marché du travail en les outillant des compétences recherchées par les employeurs dans leur domaine. Pour y arriver, des employeurs et des experts sont appelés à siéger à des comités de consultations qui permettent d’identifier les besoins du marché et de développer les curriculums en conséquence. Cette approche a clairement fait ses preuves au Canada puisque plus de 95% de nos diplômés intègrent le marché du travail avec succès. C’est cette expertise que nous partageons avec nos partenaires internationaux dans le cadre de différents partenariats. Notre programme l’Éducation pour l’emploi est particulièrement apprécié et permet de faciliter un transfert d’expertise entre nos membres et nos partenaires internationaux, qui peuvent être des ministères de l’éducation ou des établissements postsecondaires. 

Pour assurer la direction efficace d’une institution à succès dans un milieu en constante évolution dans le cadre de l’enseignement postsecondaire, il faut se munir des outils performants. Comment le CICan s’inspire-t-il de nouveaux concepts et d’expériences récentes en gestion pour optimiser les capacités de leadership des participants à être de bons dirigeants dans le réseau des Collèges et instituts ?

Notre principale contribution est d’offrir une série d’instituts de leadership à nos membres afin de contribuer au développement professionnel de leurs équipes de gestion et de leur personnel. Nous offrons sept différents instituts, qui sont tous conçus pour répondre aux besoins de différents postes au sein des collèges et instituts, allant des doyens et gestionnaires aux directeurs généraux ou présidents. De plus, nous offrons des instituts spécifiques sur la recherche appliquée et l’internationalisation. Les formations sont offertes par des dirigeants d’établissements qui ont l’expérience et les connaissances nécessaires pour aider les participants à se dépasser. C’est aussi une occasion de faire du réseautage et de discuter avec des collègues de l’ensemble du pays, ce qui demeure l’un des meilleurs moyens d’échanger des pratiques exemplaires.

En tant que porte-parole des Collèges et instituts canadiens, comment le CICan travaille-t-il avec le gouvernement fédéral pour améliorer les politiques destinées à favoriser la mobilité des étudiants et le recrutement d’étudiants étrangers, et créer des programmes à cet effet ?

Personne ne peut ignorer la mondialisation et c’est pourquoi la mobilité étudiante et le recrutement d’étudiants étrangers demeurent des priorités pour nous et nos membres. À titre de porte-parole national, nous travaillons de près avec le gouvernement fédéral pour mettre en œuvre différents programmes de mobilité et de recrutement. Nous sommes également en mesure de mettre à contribution nos propres partenariats avec différentes institutions étrangères afin de faciliter ces échanges. Nous sommes par exemple un partenaire du Programme de partenariat étudiant, qui a pour objectif de simplifier le processus de demande de visa pour les étudiants étrangers en provenance de l’Inde et de la Chine qui viennent étudier au Canada. Nous avons aussi travaillé de près avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) pour mettre en œuvre le programme Étude express Canada (ÉEC) qui facilite l’entrée d’étudiants vietnamiens et auquel participe 55 de nos membres. Plus récemment, nous avons aussi contribué à la mise en œuvre du Volet direct pour les études (VDE), un programme qui simplifie le processus de demande de visa pour les étudiants philippins.

Les Collèges et instituts jouent un rôle essentiel pour permettre à tous les Canadiens de développer les compétences dont ils ont besoin pour avoir une carrière professionnelle enrichissante. Quelles sont les mesures d’accompagnement prévues par le CICan pour faciliter l’insertion des finissants dans les différents secteurs d’activités économiques?

Le modèle adopté par nos membres afin de faciliter l’insertion des finissants dans le marché du travail est basé sur la collaboration avec les employeurs locaux. Les collèges et instituts canadiens ont été conçus pour répondre aux besoins de leur collectivité en matière de formation et de main d’œuvre et ce souci de bien servir les acteurs économiques locaux, en plus des étudiants, fait partie de leur ADN. Les employeurs sont ainsi invités à siéger à des comités de consultation qui permettent de définir les compétences que devraient avoir les diplômés pour répondre aux exigences actuelles et futures dans leur domaine. Aucun secteur d’activité n’est à l’abri des bouleversements engendrés par les nouvelles technologies, mais grâce à ce mécanisme, les collèges et instituts sont en mesure de s’adapter rapidement afin d’assurer que leurs programmes sont à jour. Cela permet d’assurer aux diplômés qu’ils auront les connaissances et les compétences nécessaires pour intégrer rapidement le marché du travail.

Les collèges et instituts canadiens sont reconnus à l’échelle internationale pour leur expertise en matière de formation professionnelle. Quel type de partenariat entretenez-vous avec l’Afrique? Quels sont les champs de compétences privilégiés dans ce partenariat? Quels en sont les objectifs?

CICan travaille de longue date avec de nombreux partenaires en Afrique et nous sommes fiers de contribuer au développement de la formation technique et professionnelle sur le continent. Nous avons actuellement des programmes en cours au Sénégal, au Mozambique, au Kenya et en Tanzanie, auxquels participent bon nombre de nos membres. Ces partenariats, qui sont réunis sous la bannière de l’Éducation pour l’emploi, visent avant tout à aider nos partenaires à développer une meilleure offre de programmes de formation technique et professionnelle en mettant à profit l’expertise de nos membres. Chaque programme est conçu en fonction des besoins locaux et permet de développer au sein des établissements partenaires une approche axée sur l’emploi et la collaboration avec les employeurs. Cela permet de créer des programmes qui aideront les jeunes des régions visées à acquérir les compétences nécessaires pour contribuer pleinement à l’économie locale.

Madame la présidente-directrice générale, le 9 juin 2017, vous étiez ravis de la déclaration à l’annonce de la nouvelle politique d’aide internationale féministe du Canada, présentée par l’honorable Marie-Claude Bibeau, ministre du Développement international et de Francophonie. Quel rôle le CICan peut jouer pour accroitre les initiatives d’aide à la formation et à l’éducation des femmes en Afrique?

Comme on le sait, les femmes continuent à être sous-représentées dans la plupart des programmes de formation professionnelle et technique. Tous les programmes de collaboration internationale que nous développons ont donc ce souci pour l’égalité des genres et intègrent des mesures particulières pour encourager et favoriser la participation des femmes. Pour nous, l’accès à une éducation de qualité est la meilleure façon de lutter contre la pauvreté et l’exclusion, mais pour y arriver, il faut assurer un accès équitable à tous et à toutes. C’est un principe qui nous est cher et qui s’accorde très bien avec la nouvelle politique d’aide internationale féministe du Canada.

Depuis plus de 40 ans, Collèges et instituts Canada (CICan) fait la promotion de l’éducation, de la formation et de l’innovation à l’échelle mondiale. Comment cette initiative peut-elle contribuer à la réduction de la pauvreté et des inégalités dans les pays en voie de développement et plus particulièrement en Afrique?

L’éducation demeure à mon avis le meilleur moyen de réduire la pauvreté et les inégalités de façon concrète et durable. Elle permet de transmettre aux étudiants les connaissances et les compétences nécessaires pour participer pleinement au développement de leur communauté, que ce soit en intégrant le marché du travail, ou bien en devenant eux-mêmes entrepreneurs. Dans les deux cas, l’accès à une éducation de qualité leur donne les moyens d’être plus autonomes et d’assurer leur bien-être et celui de leur famille. Cela me semble absolument fondamental lorsque l’on parle de réduction de la pauvreté et des inégalités. C’est d’ailleurs une valeur universelle qui fonctionne autant au Canada que dans les pays en voie de développement.

Partant de la grande expérience acquise à la tête de CICan, quelle est votre perception de l’éducation en Afrique?

À mon avis, l’éducation en Afrique connaît un essor important en ce moment. Partout, les gens réalisent à quel point elle est importante et constitue un outil absolument fondamental pour lutter contre la pauvreté et stimuler le développement et la croissance économique. On le voit tant chez les parents, qui souhaitent assurer un meilleur avenir pour leurs enfants, que chez les dirigeants politiques qui souhaitent un développement durable pour leur pays. Il reste certainement de nombreux défis à relever, mais les éducateurs que je rencontre dans différents pays d’Afrique me semblent déterminés à développer des systèmes d’éducation robustes et plus efficaces, tout en étant plus accessibles. Je pense que de plus en plus de gens prennent également conscience de l’importance de la formation professionnelle et technique, qui a pu être sous-estimée dans le passé. Beaucoup d’éducateurs africains s’intéressent au modèle collégial canadien en particulier et je suis particulièrement fière du travail de collaboration que nous avons pu mettre en place pour les appuyer dans leurs efforts de réforme.

Pour terminer, Madame la Présidente, le gouvernement du Canada reconnait que les collèges comptent de nombreux professionnels hautement qualifiés et qu’ils jouent un rôle important en recherche et en innovation au Canada. Quelles sont vos recommandations auprès du gouvernement du Canada sur le choix des secteurs prioritaires d’investissement permettant d’optimiser l’impact de ce partenariat sur le développement économique et social du Canada afin de favoriser une croissance économique inclusive?

Nous savons que le gouvernement fédéral est à la recherche de moyens de stimuler l’innovation au Canada et il a notamment lancé une évaluation ambitieuse des investissements réalisés dans l’innovation commerciale par ses divers ministères. À mon avis, il serait difficile de trouver un meilleur endroit où investir que dans les collèges et instituts, étant donné l’impact économique très concret de leurs projets de recherche appliquée et le soutien qu’ils accordent aux entreprises canadiennes. Pour tirer vraiment parti du potentiel d’innovation des collèges et des instituts, le gouvernement se doit d’intensifier ses efforts pour accroitre le financement de la recherche appliquée. En nous basant sur l’augmentation des demandes, nous estimons que les sommes actuellement investies dans la recherche sont largement insuffisantes et qu’il faudrait les porter dans un premier temps à 100 millions de dollars par an pour les augmenter ensuite régulièrement afin qu’elles atteignent 300 millions d’ici 2022.

NB : Cette entrevue apparaîtra dans la très prochaine parution du Magazine Diplomat Investissement

(*) Emmanuel Dieudonné Kaldjob, PhD
Consultant, Chargé des projets
Responsable des relations Internationales