Tim Walz-J. D. Vance : le débat des seconds couteaux

Tim Walz-J. D. Vance : le débat des seconds couteaux

Le premier vice-président de Franklin Roosevelt, John Nance Garner, l'a dit de manière colorée : aux États-Unis, ce poste a « encore moins de valeur qu'un seau de pisse chaude ». Sauf, évidemment, en cas d'assassinat d'un président (Lincoln, JFK), de décès (Roosevelt en 1945) ou de démission (Nixon). Auquel cas celui ou celle qui se trouve à « un battement de cœur » de la présidence devient instantanément la personne la plus puissante du monde.

Par extension, les politologues le répètent inlassablement : les débats entre les colistiers n'ont aucun impact mesurable sur un scrutin présidentiel. Pour autant, il y a parfois de rares exceptions à la règle. Et l'affrontement entre J. D. Vance et Tim Walz, sur CBS, mardi 1er octobre (à 3 heures du matin mercredi à Paris) pourrait en faire partie.

Le fiasco Sarah Palin

La première mission du bon colistier est empruntée au serment d'Hippocrate : « First, do no harm. » Ne plombe pas le candidat qui t'a choisi. Évite de gaffer, de le contredire ou, dans le cas de Trump, de lui faire de l'ombre.

John McCain, en 2008, tente un coup de poker en choisissant Sarah Palin. Il le paie cher quand elle défend son expertise géopolitique lors d'une interview en déclarant : « On peut voir la Russie depuis la côte, en Alaska. » Cela devient, dans la parodie de l'émission Saturday Night Live, « I can see Russia from my house » (« Je peux voir la Russie de chez moi »).

Lors de son débat face à Biden, Palin lui demande en le saluant, l'air intimidé : « Est-ce que je peux t'appeler Joe ? » Et, même si sa performance n'est, finalement, pas catastrophique, 87 % des téléspectateurs de CNN estiment que le démocrate est « prêt » à assumer la présidence si nécessaire, contre seulement 42 % pour Sarah Palin. Un problème pour John McCain, 72 ans à l'époque, qui affronte Barack Obama, 47 ans, d'autant plus que 70 millions d'Américains sont alors réunis devant leur téléviseur, la plus forte audience de l'histoire pour un débat des veeps.

Mais, le plus souvent, les débats des colistiers tombent dans l'oubli. Difficile de se souvenir d'un moment marquant entre Kamala Harris et Mike Pence, il y a quatre ans, à l'exception de la mouche qui est restée plus de deux minutes sur les cheveux argentés du vice-président américain sans qu'il s'en rende compte, captivant la nation tout entière.

Un duel d'anciens militaires

« Les électeurs font principalement un choix entre les candidats à la présidence. Le débat des colistiers offre une occasion d'informer les électeurs sur le ticket présidentiel et ce qu'ils défendent plutôt que sur les candidats à la vice-présidence eux-mêmes », juge Christopher Devine, professeur de sciences politiques à l'université de Dayton.

Mardi soir, J. D. Vance va naviguer en terrain miné. À peine est-il choisi par Donald Trump que sa sortie sur « les vieilles filles à chats sans enfants, qui veulent rendre le pays aussi misérable qu'elles », a été largement critiquée et il a mis son boss en porte-à-faux sur l'avortement. Le sénateur de l'Ohio a également joué un rôle central dans la propagation de la fausse rumeur sur les migrants haïtiens qui mangeraient les chiens et les chats des habitants de Springfield. Sur ce point, toutefois, Donald Trump est à l'unisson et le candidat républicain semble principalement attendre de son colistier qu'il galvanise sa base.

Tim Walz, lui, a connu des débuts plus réussis. En pleine « kamalamania » après le retrait de Joe Biden, ses attaques contre les idées weird (« bizarres ») de Donald Trump et J. D. Vance sont devenues virales. Depuis, « Coach Walz » semble toutefois passé à l'arrière-plan, se contentant de jouer les cheerleaders pour Kamala Harris.

La bataille pour le vote ouvrier

« Une des dynamiques intéressantes dans ce débat est la manière dont Vance et Walz rivalisent pour attirer les électeurs blancs, principalement ruraux, du Midwest », poursuit Devine. Un attrait qui doit beaucoup à leurs origines. Tim Walz a grandi dans un village du Nebraska, a servi pendant plus de vingt ans dans la garde nationale, a été tour à tour enseignant et coach avant de se lancer dans la politique dans un comté conservateur du Minnesota, État dont il est devenu le gouverneur. J. D. Vance n'a rien à lui envier : il s'est extirpé de la misère d'une enfance dans les Appalaches ravagées par le chômage et les opiacés, a servi chez les Marines, a intégré la prestigieuse université Yale, a fait fortune dans la Silicon Valley et a été élu sénateur à 38 ans.

Les recherches de Christopher Devine, publiées avec Kyle Kopko dans l'ouvrage Do Running Mates Matter ?, montrent toutefois que « les colistiers ne gagnent généralement pas de votes parmi les personnes partageant leur identité géographique ou démographique. Mais Kamala Harris espère que Walz pourra s'adresser à ces électeurs et les convaincre qu'elle défendra leurs intérêts ». Une mission cruciale alors que la démocrate est particulièrement à la peine chez les hommes qui n'ont pas fait d'études supérieures et que le vote des ouvriers pèsera lourd dans les trois États qui pourraient lui permettre de remporter l'élection : la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin.

Attention, prévient Aaron Kall, directeur des débats à l'université du Michigan : « J. D. Vance a une grande expérience médiatique, même face à des intervieweurs hostiles. Il ne fuit pas les controverses politiques et redouble souvent d'efforts lorsqu'il est attaqué. » Et, alors que ce débat sera sans doute le dernier de la campagne, les points marqués compteront double.