Présidentielle américaine : « Pour la première fois, j’ai donné de l’argent à un candidat »
À quelques semaines de l'élection présidentielle américaine qui se déroulera le 5 novembre, « Le Point » a choisi de donner la parole à des électeurs des deux candidats, le républicain et ex-président Donald Trump et la vice-présidente sortante Kamala Harris. Lakshmi Iyer, Indienne naturalisée vivant en Pennsylvanie, explique pourquoi elle soutiendra la démocrate :
« Dans mon pays natal – l'Inde –, j'appartiens à la caste supérieure : les brahmanes tamouls. Autrement dit, j'ai eu le luxe pendant longtemps de ne pas avoir à me soucier de politique. Le président n'avait aucun impact sur mon quotidien car je vivais dans un milieu privilégié. Je ne votais pas. Je me considérais même comme apolitique.
Quand je me suis installée en Pennsylvanie, il y a vingt-quatre ans, je ne m'intéressais donc pas à la chose publique, même si cet État fait partie des « swing states » stratégiques dans la course à la Maison-Blanche. Lorsqu'il a prononcé le discours qui l'a révélé lors de la convention démocrate de 2004, quand il était encore un jeune sénateur, Barack Obama a attiré mon attention. J'ai voté pour lui en 2012, après être devenue citoyenne, mais sans plus.
L'élection de 2016 entre Hillary Clinton et Donald Trump a marqué un tournant. C'est la première que j'ai suivie intensément. J'ai trois filles. Pour moi, il était important qu'elles se voient représentées au sommet du pouvoir. Par ailleurs, nous formons une famille multiraciale. Mon mari est indien, mais nous avons adopté des jumeaux blancs. Le soir de l'élection, je suis allée me coucher en pensant qu'Hillary allait être élue, mais j'ai eu une mauvaise surprise au réveil. Cela m'a dévastée.
J’aurais voté pour Joe Biden s’il était resté dans la course, mais je n’étais pas très enthousiaste.
Le mandat de Donald Trump était un cauchemar. Il s'est attaqué à tout ce qui m'était cher. Lors des élections de mi-mandat de 2018, je me suis donc impliquée dans le Parti démocrate. J'ai participé à l'écriture de cartes postales pour encourager les électeurs à aller voter. J'ai commencé à me renseigner sur le système électoral américain, notamment le collège électoral et tous les scrutins locaux qui passent inaperçus dans l'ombre des présidentielles. Aux États-Unis, on élit par exemple certains juges !
Malgré la victoire de Joe Biden en 2020, Donald Trump n'est jamais parti. L'arrêt « Roe v. Wade », qui avait fait de l'accès à l'avortement un droit constitutionnel en 1973, a été révoqué par la Cour suprême en 2022. Sans la nomination de trois juges conservateurs par l'ancien président républicain, nous n'aurions pas été dans cette situation.
Trump me terrifie. S'il repasse en 2024, je pense sincèrement que nous n'aurons pas d'autres élections. J'aurais voté pour Joe Biden s'il était resté dans la course, mais je n'étais pas très enthousiaste. C'était difficile pour moi de faire campagne pour lui auprès de mes amis musulmans du fait de son soutien à Israël après l'attaque du 7 octobre.
Je suis peut-être naïve, mais je pense que Kamala Harris sera plus sensible que lui à la cause palestinienne. En tout cas, sa candidature a insufflé de la joie dans cette élection. En tant que procureure devenue sénatrice puis vice-présidente, elle est qualifiée et forte. Et surtout, elle est une femme qui s'assume. Elle n'a pas peur de s'esclaffer, même si les républicains se moquent de son rire. Bien entendu, le fait que sa mère soit issue de la même caste et ville que moi – Madras – n'est pas pour me déplaire !
Nous avions tous soif de joie et d’enthousiasme face au trumpisme.
C'est pour toutes ces raisons que j'ai décidé pour la première fois de ma vie de donner de l'argent à un candidat, après avoir longtemps fait du porte-à-porte, passé des coups de fil et écrit des cartes postales pour mobiliser les électeurs. Certes, je n'ai donné que dix dollars, mais c'est une manière de faire partie d'un mouvement historique et de mettre mon argent là où se trouvent mes convictions.
Je ne suis pas surprise de voir qu'une grande partie de ses soutiens financiers sont des « petits » donateurs – moins de 200 dollars déboursés –, comme moi. En août, ils représentaient 1,3 million de personnes sur les 3 millions qui ont ouvert leur portefeuille ! Nous avions tous soif de joie et d'enthousiasme face au trumpisme. En outre, les femmes de couleur, comme moi, ne voient pas beaucoup de gens qui nous ressemblent dans les cercles de pouvoir. Kamala est une source d'inspiration pour moi. Je m'identifie à elle.