Forum Chine-Afrique : Pékin veut "sanctuariser ses approvisionnements et délégitimer l’Occident"
Des dizaines de dirigeants et délégations africaines sont arrivés en Chine pour participer au neuvième forum Chine-Afrique, du 4 au 6 septembre, dédié à l'approfondissement des liens avec le continent. Accusé d’exploiter à outrance les ressources minières de l’Afrique, Pékin compte sur cette rencontre pour soigner son image en se posant en rempart contre l’influence occidentale. Explications du chercheur spécialiste de la Chine, Emmanuel Véron.
Il s’agit d’un événement diplomatique majeur, le plus grand organisé à Pékin depuis la pandémie de Covid-19, affirment les autorités chinoises. Des dirigeants et représentants de toute l’Afrique sont arrivés en Chine pour participer au Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), organisé du 4 au 6 septembre dans la capitale chinoise.
Un événement dédié à renforcer la coopération entre la Chine et l’Afrique, dont Pékin est le premier partenaire commercial, mais également le premier bailleur de fonds. Particulièrement active dans le domaine de la construction, la Chine est perçue par certains dirigeants comme un vecteur de modernisation du continent africain. Elle fait également l’objet de critiques, accusée d’accaparer les matières premières du continent, notamment en République démocratique du Congo, l’un des principaux exportateurs de minerais au monde.
Pour la Chine, le Focac est avant tout une opération de communication qui vise à fixer la feuille de route pour les 10, 15 années à venir en insistant sur le potentiel de l’Afrique. Le but n’est surtout pas d’aborder les sujets qui fâchent à l’échelle du continent, comme l'endettement excessif de plusieurs pays africains envers la Chine, qui les place dans une situation de dépendance accrue. Il s’agit également pour la Chine d’un levier pour faire passer des messages sur la scène internationale en ce qui concerne l’Afrique.
Ce forum sino-africain intervient dans un contexte de bouleversements politiques en Afrique de l’Ouest, où trois pays (Mali, Burkina, Niger) dirigés par des militaires ont rompu avec la France et renforcé leurs partenariats avec la Russie. S’agit-il d’une bonne nouvelle pour Pékin ?
La poussée anti-occidentale que l’on observe dans ces pays, au sein des classes dirigeantes comme d’une partie de l’opinion, est un sujet que la Chine connaît très bien et qu’elle instrumentalise, tout comme le fait la Russie. Pour la Chine, l’Afrique est un levier contre l’Occident, et elle est bien consciente que la dynamique de tensions entre les pays du Sahel et ses anciens partenaires lui est favorable. Depuis le départ de la France, elle s’est engouffrée dans la brèche, notamment au Mali, où elle a envoyé des formateurs et des équipements militaires.
Dans ce contexte, la Chine et la Russie peuvent être parfois des concurrents, mais elles sont surtout complémentaires sur plan tactique. La Russie utilise l’Afrique pour monter des opérations d’ingérence contre ses adversaires. Pékin, de son côté, veut sanctuariser ses approvisionnements en matières premières, tout en délégitimant et en décrédibilisant l’Occident.