« Pour un nouveau pacte entre l’Europe et l’Afrique »

En désorganisant les chaînes d'approvisionnement mondiales, la crise du Covid-19 a souligné la dépendance de l'Europe aux importations chinoises et favorisé le retour de l'inflation. La crise née de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et l'engrenage des sanctions et des contre-sanctions qu'elle a provoquées a cruellement mis en lumière la dépendance du Vieux Continent au pétrole et au gaz russes. L'été caniculaire que nous venons de traverser a fait prendre conscience de l'impact du dérèglement climatique et de la crise de l'eau qui s'annonce. Ce moment de grande bascule signe la fin de l'abondance, pour reprendre les mots du président Emmanuel Macron. Il marque aussi le temps des révisions stratégiques. Dans le nouvel ordre économique mondial, caractérisé par la montée de blocs antagonistes, l'Europe se découvre isolée et vulnérable. Pourtant, des solutions existent. Elles se trouvent à ses portes, en Afrique.
L'Afrique, un continent plein d'atouts…
Grande comme les États-Unis, la Chine, l'Inde et l'Europe réunis, l'Afrique pèse 13 % de la population mondiale, une proportion appelée à doubler d'ici 2050. Elle dispose de près de la moitié des terres arables encore disponibles de la planète, de 660 000 milliards de mètres cubes de réserves d'eau douce, et abrite le deuxième poumon vert du Globe, la forêt du bassin du fleuve Congo, qui s'étend sur près de 250 millions d'hectares et capte davantage de carbone que l'Amazonie. Son sous-sol regorge de minerais et de métaux rares, indispensables à l'industrie moderne et à la transition énergétique : le cobalt, le lithium, le nickel et les terres rares. Son ensoleillement, le coût encore maîtrisé du foncier et sa proximité avec l'Europe la prédisposent à produire à grande échelle et à un prix compétitif l'énergie du futur, l'hydrogène vert. L'Égypte, le Maroc, la Mauritanie, la Namibie et l'Afrique du Sud viennent d'ailleurs de sceller une alliance en ce sens.
L'Afrique produit 12 % du pétrole mondial et exporte déjà vers l'Europe 108 millions de mètres cubes de gaz naturel liquéfié, soit presque autant que les importations européennes de gaz russe avant le déclenchement du conflit avec l'Ukraine (155 millions de mètres cubes). L'Algérie à elle seule fournit 11 % des volumes consommés dans l'Union européenne, et devrait voir cette part augmenter à la faveur des nouveaux accords conclus avec l'Italie et la France.
Le Continent recèle d'immenses réserves encore inexploitées : 125 milliards de barils de pétrole bruts mais surtout près de 13 000 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Le tiers des découvertes mondiales d'hydrocarbures réalisées au cours de la décennie passée l'ont été en Afrique, et d'immenses projets gaziers vont entrer en service en 2023, au large de la Mauritanie et du Sénégal, dans le Golfe de Guinée et dans le canal du Mozambique.
L'Afrique, qui verra sa production de gaz tripler d'ici à 2035, selon Rystad Energy, peut devenir l'alliée d'une Europe en quête de sécurité pour ses approvisionnements. Ce pacte énergétique serait une opportunité fantastique pour donner un contenu stratégique au partenariat rénové que l'Europe et l'Afrique appellent de leurs vœux mais qui peine à se mettre en place. Récemment, l'Union européenne, sous l'impulsion de la France notamment, a multiplié initiatives et signaux témoignant d'une prise de conscience des potentialités et des défis de l'Afrique. L'initiative Global Gateway présentée fin 2021 par Ursula von der Leyen ambitionne de financer à hauteur de 150 milliards d'euros les projets africains au cours des six années à venir, notamment dans les infrastructures et l'énergie.