Afrique du Sud: la Russie, sujet délicat au cœur de la rencontre Ramaphosa-Biden

L'invitation du président américain Joe Biden à son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa à la Maison-Blanche et l'acceptation de ce dernier sont des signes plus que positifs d'une volonté commune des deux États d'aller de l'avant dans leur relation bilatérale, malgré les divergences de vues récentes sur la guerre en Ukraine et la position de neutralité affichée par Pretoria.
« Nous devons vraiment nous assurer que nous nous comprenons pleinement », a dit Joe Biden, assis aux côtés du président sud-africain dans le Bureau ovale, sans évoquer publiquement leurs divergences sur l'Ukraine. « Les Etats-Unis sont un partenaire important de l'Afrique du Sud », a dit Cyril Ramaphosa, évoquant les centaines d'entreprises américaines installées dans son pays.Il a dit vouloir « étendre » ces relations économiques, et a déclaré que sa conversation avec le président américain porterait aussi sur « la stabilité et la sécurité internationale », en faisant référence aux attaques djihadistes au Mozambique, pays frontalier.
Une relation bilatérale au milieu du gué
Arrivé ce vendredi 16 septembre, le chef d'État sud-africain, qui traverse chez lui une passe politiquement difficile, a d'abord été accueilli par la vice-présidente Kamala Harris. « La relation entre les États-Unis et l'Afrique du Sud est très importante pour de nombreuses raisons », a-t-elle dit, en recevant Cyril Ramaphosa pour un petit-déjeuner à sa résidence. Kamala Harris a vanté « les initiatives que nous avons prises ensemble sur des sujets tels que la santé, la sécurité et bien sûr les défis auxquels nous sommes tous deux confrontés, à cause de la crise climatique ». « L'objectif de cette visite est de renforcer la relation » entre les deux pays, a estimé le président sud-africain devant les journalistes, exprimant aussi sa « gratitude » pour l'aide américaine face à la pandémie de Covid-19.
L'influence russe en Afrique du Sud
Les États-Unis veulent resserrer leurs liens avec l'Afrique, où l'influence grandissante de la Russie comme de la Chine les préoccupe. Et Washington n'a pas oublié que de nombreux pays africains avaient décidé début mars de ne pas apporter leurs voix à une résolution des Nations unies condamnant l'invasion de l'Ukraine. Joe Biden, qui jusqu'ici ne s'est pas rendu sur le continent, organise en décembre à Washington un grand sommet avec des dirigeants africains. L'Afrique du Sud, poids lourd économique, occupe une place de choix dans cette offensive de charme. Mais, tout en étant bien disposé à l'égard du président démocrate, le pays a clairement fait valoir que les défis du moment ne pouvaient effacer les solidarités et les leçons du passé.
« Les perspectives d'aujourd'hui ont leurs raisons, et personne ne devrait, je pense, prétendre que l'Histoire n'a pas existé », a dit la ministre des Affaires étrangères d'Afrique du Sud Naledi Pandor, invitée du Council on Foreign Relations à Washington. Le pays a adopté une position neutre depuis le début de l'invasion russe en Ukraine le 24 février, refusant de se joindre aux appels occidentaux à condamner Moscou. « Je ne me laisserai pas mettre sous pression », avait-elle averti lors de la visite d'Antony Blinken en août, en réponse à une question sur la position sud-africaine face à la Russie.
Le pays n'a – également – jamais digéré l'intervention militaire de l'Otan en Libye en 2011. Elle s'était fait tordre le bras pour l'approuver alors qu'elle siégeait au conseil de sécurité de l'ONU, avant de critiquer cette guerre et d'accuser les Occidentaux d'avoir abusé de ce mandat pour faire tomber le colonel Muammar Khadafi.
Depuis 2011, l'Afrique du Sud est membre du groupe diplomatique des économies émergentes Brics, regroupant le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, fonctionnant à une époque de manière assidue à raison d'une à deux réunions annuelles, ce qui a contribué à consolider des liens. En juin, le président russe Vladimir Poutine a exhorté les Brics à coopérer face aux « actions égoïstes » des pays occidentaux, sur fond de sanctions sans précédent contre Moscou en raison du conflit ukrainien.
La Chine dans le viseur de Washington
Autre sujet délicat en toile de fond de la rencontre dans le célèbre Bureau ovale : la Chine, avec laquelle l'Afrique du Sud entretient de très bonnes relations, mais dont Washington veut contrer l'influence. Comme sur la Russie, la Maison-Blanche aborde l'entretien avec les plus grandes précautions diplomatiques : les pays africains « ont une expérience des relations avec la Chine, ils ont une vision positive et négative. C'est particulièrement important [...] d'avoir des conversations honnêtes sur le rôle des grandes puissances dans la région », a assuré le haut responsable cité plus haut, qui a refusé d'être nommé.