Emmanuel Macron veut «une Europe maitre de son destin»

Emmanuel Macron veut «une Europe maitre de son destin»

A partir du 1er janvier 2022, la France présidera le Conseil de l'Union européenne. Le président de la République Emmanuel Macron a présenté jeudi, à Paris, au Palais de l'Elysée, les priorités pour la présidence française du Conseil de l'Union européenne qui débutera le 1er janvier. Dans un propos liminaire, avant la présentation d'une nouvelle pièce de 2 euros et de l'emblème et la devise choisies -relance, puissance et appartenance -, le chef de l'Etat a rappelé que l'Europe faisait toujours face à une crise sanitaire, mais subit aussi «une tentative de déstabilisation de nos démocraties.»

«Notre rôle sera d’être les dépositaires d’une harmonie entre les 27 pays», a-t-il expliqué, ajoutant que si «les Nations sont notre force», «l'unité européenne est indispensable.» «Nous avons besoin de nous unir, nous européens», a-t-il expliqué. «L'objectif sera de passer à une Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine et maitre de son destin», «capable de maîtriser ses frontières» pour «éviter les drames humains que nous avons vécus.» Il veut aussi définir «une souveraineté stratégique européenne». «Ce concept qui paraissait impensable il y a quatre ans permet d'ancrer que nous Européens, que nous soyons membres de l'Otan ou pas (…), avons des menaces communes et des objectifs communs», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.

Notre lien avec l'Afrique, une priorité

Le président de la République a insisté sur la nécessité de construire un lien particulier avec l'Afrique. «Nous voulons travailler aux les pays d'origine et les pays tiers, pour luter contre les trafics et les passeurs», a-t-il défini, avec un sommet entre l'Union africaine et l'Union européenne le 17 et 18 février prochains, avec la volonté de développer un «partenariat de sécurité» avec l'Afrique. Un sommet entre l'Union africaine et l'Union européenne se tiendra les 17 et 18 février à Bruxelles dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, a annoncé jeudi Emmanuel Macron, afin de "refonder en profondeur" la relation "un peu fatiguée" entre les deux continents. Le chef de l'Etat français a évoqué «plusieurs axes», notamment «refonder un New Deal, économique et financier avec l'Afrique», en faisant valoir que «l'Europe doit dans les instances internationales porter une stratégie commune avec l'Afrique», ou le déploiement d'«un agenda en matière d'éducation, de santé et de climat», lors d'une conférence de presse depuis l'Elysée.

Une réforme de Schengen

Emmanuel Macron a également plaidé jeudi pour une Europe qui «sache protéger ses frontières» face aux crises migratoires, en esquissant une série de réformes dont celle de l'espace Schengen, lors d'une conférence de presse sur la présidence française de l'UE.

«Protéger nos frontières est une condition indispensable, à la fois pour assurer la sécurité des Européens, pour relever le défi migratoire et éviter les drames que nous avons vécus», a expliqué le président français. Il a évoqué le naufrage de migrants qui a fait au moins 27 morts dans la Manche fin novembre et la crise à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, où l'Europe est confrontée à une «guerre hybride».

Pour éviter que le droit d'asile ne soit «dévoyé» en Europe, «nous initierons sous cette présidence une réforme de l'espace Schengen», a-t-il déclaré. Il a souhaité la «mise en place d'un pilotage politique de Schengen», à travers des réunions régulières des ministres européens en charge de ces questions, afin de pouvoir «renforcer les contrôles aux frontières» lorsque cela sera jugé nécessaire.

Emmanuel Macron entend également porter lors de la présidence française du Conseil de l'UE, qui débute le 1er janvier, la création de mécanismes de soutien d'urgence en cas de crise à la frontière d'un Etat membre. Ce pays «doit pouvoir compter sur l'appui de Frontex, l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, "mais également sur le renfort solidaire des Etats membres en policiers, gendarmes", a-t-il dit.

Le président français espère également «faire avancer» lors de ce semestre de présidence tournante européenne les discussions autour du Pacte sur la migration et l'asile, présenté en septembre 2020 par la Commission européenne et dont l'adoption bute depuis sur de profondes divisions entre les Vingt-Sept.

Il espère ainsi parvenir à une «meilleure organisation en termes de gestion des migrations», avec «la volonté de travailler avec les pays d'origine et les pays de transit pour lutter contre les trafics, éviter ces flux, protéger nos frontières extérieures, harmoniser nos règles, en particulier en matière d'asile».

Il a annoncé jeudi vouloir «la mise en oeuvre concrète et véritable» d'un «service civique européen» de six mois pour les moins de 25 ans, après avoir déjà élargi le programme Erasmus «aux apprentis» et «doublé le nombre de bénéficiaires». «Allons plus loin et réfléchissons à un service civique européen de six mois ouvert à tous les jeunes de moins de 25 ans pour un échange universitaire ou d'apprentissage, un stage ou une action associative», a souhaité le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse depuis l'Elysée.

Un grand travail sur l'histoire de l'Europe

Face aux "révisionnismes", le président français Emmanuel Macron a annoncé jeudi son souhait d'initier "un grand travail sur l’histoire de l’Europe" dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne du premier semestre 2022.

"Nous vivons un moment politique en Europe où le révisionnisme s’installe dans plusieurs pays, est utilisé par les puissances qui veulent remettre en cause nos valeurs, notre histoire", a affirmé le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse à Paris. En conséquence, "je souhaite que nous puissions au mois de juin prochain en France, initier ce travail de forger une histoire et une historiographie de notre Europe", a-t-il ajouté.

"L’histoire européenne n’est pas seulement l’addition de 27 histoires nationales. Elle a une cohérence, une unité que chacun pressent mais qui ne se donne pas encore à voir pleinement", a avancé Emmanuel Macron pour justifier ce projet.

"Je souhaite aussi que cette présidence soit l’occasion de créer une académie d’Europe qui réunira des intellectuels de toutes disciplines, des 27 Etats membres, pour éclairer nos débats éthiques, nos rapports aux libertés, et proposer aussi des actions et des projets culturels", a encore indiqué le président.

Plus généralement, le chef de l'Etat a appelé à faire du prochain semestre "un grand moment d’humanisme" et un "temps de mobilisation".

Mais, a-t-il averti, "ces questions ne doivent pas opposer l’est et l’ouest de notre continent", alors que les tensions se multiplient, notamment avec la Pologne et la Hongrie, sur les sujets liés à l'Etat de droit.

La mise en place d'un instrument européen de lutte contre la déforestation importée

Emmanuel Macron a déclaré jeudi vouloir faire "avancer les négociations sur la mise en place d'un instrument européen de lutte contre la déforestation importée" durant la présidence française de l'Union européenne au premier semestre 2022.

Cet instrument "visera à interdire l'importation dans l'Union européenne de soja, boeuf, huile de palme, bois, cacao, café, quand ils contribuent à la déforestation" dans leurs pays de production, a déclaré le chef de l'Etat en conférence de presse à l'Elysée.

Un autre objectif de cette présidence française sera "la mise en place du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, cette fameuse taxe carbone aux frontières de l'Europe", a ajouté M. Macron.

"Cela consiste à corriger le fait que nous allons demander des efforts, décarboner notre industrie, mais nous continuerons à importer des biens de régions qui ne font toujours pas le même effort. Nous compenserons à nos frontières ce différentiel", a-t-il assuré.

En outre, "la présidence française sera un moment clé pour pousser les +clauses miroirs+ (qui obligent à respecter les mêmes normes qu'au sein de l'UE, ndlr) et avoir des exigences environnementales et sociales dans nos accords commerciaux", a-t-il complété, notant que "c'est là aussi un question d'équité". Emmanuel Macron veut globalement "concilier développement économique et ambition climatique" et selon lui, l'Europe "a une opportunité, c'est de devenir championne en la matière".

Un réengagement de l'UE dans les Balkans

"Cette région est aujourd'hui traversée par des nouvelles tensions. L'histoire y est de retour, le tragique, parfois aussi", a affirmé le président, annonçant une conférence européenne consacrée à cette région en juin dans le cadre de la présidence française de l'UE au premier semestre 2022.

"Nous avons une responsabilité aujourd'hui toute particulière à l'égard des Balkans occidentaux", a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse à l'Elysée.

"Nous devons y mener une politique de réengagement mais également d'investissement pour favoriser l'intégration économique de cette région (...) et pour lutter aussi contre les interférences, contre les manipulations, qui sont le fait de plusieurs puissances régionales qui cherchent, à travers les Balkans à déstabiliser l'Europe", a-t-il assuré, ciblant implicitement la Turquie et la Russie.

"Je crois que ce travail qui est un travail politique et économique à l'égard des Balkans occidentaux est un véritable agenda de souveraineté pour notre Europe, car on ne pourra pas bâtir l'Europe de paix des 50 prochaines années si nous laissons les Balkans occidentaux dans la situation où ils sont aujourd'hui", a-t-il prévenu.

M. Macron a ainsi appelé à "clarifier (la) perspective européenne" de ces pays (Albanie, Bosnie, Serbie, Monténégro, Macédoine du Nord et Kosovo), bloqués depuis des années dans l'antichambre de l'Union.

Une puissance du numérique

Emmanuel Macron veut faire de l'Europe une "puissance du numérique" via des fonds de financement de start-up et la finalisation d'une "vraie taxation des multinationales" lors de la présidence française de l'UE, a-t-il déclaré jeudi.

Pour "réussir à créer une Europe du numérique, en tout cas à la parachever", Paris entend "européaniser" sa stratégie de soutien à "l'innovation et la croissance" des start-up, notamment via la levée de fonds pour les créer, a-t-il indiqué.

La France poussera donc à la création de fonds européens pour financer ces start-up et autres "acteurs du numérique" en mobilisant les "investisseurs institutionnels".

Parmi "les 10 premières capitalisations mondiales", il y a aujourd'hui "huit entreprises de la tech et aucune européenne", constate M. Macron qui veut "créer un vrai marché intégré du numérique" européen aux règles "simplifiées" via la suppression des "barrières" entre les 27 États membres.