90 milliards de dollars s'évaporent d'Afrique tous les ans

90 milliards de dollars s'évaporent d'Afrique tous les ans

88,6 milliards de dollars. Cette valeur estimée, mais sûrement supérieure dans les faits, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), ne concerne que les capitaux ayant quitté les pays africains. De façon physique, mais surtout sous forme de manque à gagner fiscal. En clair, le continent n'a pas profité à sa juste valeur des richesses qu'il a produites. Fort de ce chiffre, le rapport de la Cnuced met en avant un paradoxe. L'Afrique, réputée pauvre, donne plus qu'elle ne reçoit ! En effet, l'aide au développement en Afrique, fournie par les pays riches, s'établit annuellement à 48 milliards de dollars. Soit la moitié de la fuite des capitaux.

Evasion fiscale

Il ne s'agit bien évidemment que d'une estimation, puisqu'il est question d'opérations illégales et donc secrètes. "Objectivement, il serait pratiquement impossible d'acquérir une information complète sur les flux financiers illicites en raison précisément de leur nature illicite, puisque ceux qui sont responsables de ces flux prennent délibérément et systématiquement des mesures pour les dissimuler"écrivait en 2015 Thabo Mbeki, président du Groupe de haut niveau de la Commission économique pour l'Afrique (CEA) au sein de l'ONU. Le groupe a été créé en 2011, afin de fournir des éléments aux gouvernants pour tenter d'endiguer (...)

Les racines du mal

La Cnuced regroupe ces malversations sous l'appellation de flux financiers illicites (FFI). Les sources sont globalement classées en trois catégories : les activités criminelles, les activités commerciales et la corruption. Si la contrebande est connue et la corruption régulièrement dénoncée faute d'être combattue, c'est dans le domaine commercial que les flux financiers illicites sont les plus importants.

Dans ce domaine, la fausse facturation est l'élément essentiel de la fraude. Elle consiste à minimiser les volumes ou les prix afin de réduire les taxes qui sont dues. Selon le rapport, le manque à gagner fiscal s'élève chaque année entre 30 et 52 milliards de dollars.

Les industries extractives sont, de loin, les plus concernées et en particulier le pétrole, qui représente plus de la moitié (56%) de ces flux illicites. A noter que tous les secteurs d'activité sont touchés, y compris la pêche qui arrive au 10e rang. Preuve de l'étendue des malversations.

A qui profite le crime ?

Le rapport insiste sur l'impact, de cette fuite des moyens financiers, sur les populations. Bien évidemment, les politiques de développement sont contrariées par ce manque de ressources financières. La Cnuced dénonce une "hémorragie fiscale", qui prive les pays "des ressources nécessaires au financement des dépenses de développement". Ainsi, note le rapport, en Afrique, "un sixième des recettes publiques provient de l’impôt sur les sociétés (pour un total de 67 milliards de dollars en 2015) et le coût de l’évasion fiscale représente environ le dixième de ce total".

D'autant que le recouvrement des fraudes est faible, notamment en raison de la lenteur du processus judiciaire à l'international. Le recouvrement des "biens mal acquis" ne représente en cumul que 1,5 milliard de dollars soit 0,5% des capitaux enfuis estimés.

Mais ce rapport touffu n'est guère prolixe sur les bénéficiaires de ces trafics. Peut-être parce qu'il se veut une aide aux dirigeants africains, il ne cloue personne au pilori. Il se justifie en précisant que dans le domaine, les techniques de dissimulation sont nombreuses et complexes à percer. La Cnuced met cependant en lumière les mécanismes de la fraude et le niveau du manque à gagner. Et elle laisse à la presse le soin de dénoncer les coupables...