Leadership et crise

Leadership et crise

Une crise survient lorsqu’un risque se matérialise et que ses effets négatifs dépassent les capacités du système à les éviter ou, à défaut de cela, de les mater. En d’autres mots, une crise constitue une situation qui évolue plus rapidement que les moyens d’adaptation, ce qui met en péril la survie du système, que ce soit un organisme ou une organisation.

La pandémie du COVID-19 a donc toutes les caractéristiques d’une crise d’envergure mondiale. Si tous les pays et les régions du monde ne sont pas frappés avec la même sévérité, il reste qu’aucun pays peut se déclarer à l’abri de ce coronavirus insidieux et mortel pour les plus vulnérables de la société, soient les aînés et les personnes souffrant d’un affaiblissement de leur immunité naturelle.

Toute crise suit une évolution prévisible, du moins qualitativement. En bref, il y a une période d’avant-crise, une période critique alors que le risque sévère se matérialise et, s’il n’est pas atténué à temps, qui se transforme en crise. Finalement, si la gestion de la crise est réussie, nous entrons dans la période de l’après-crise. C’est alors que priment le rétablissement et la récupération. Il est essentiel d’exercer un leadership judicieux et responsable dans toutes les phases d’une éventuelle crise.

Avant qu’une crise ne survienne, il faut en analyser les paramètres dans le but de développer des mesures de prévention ainsi que des préparatifs au cas où la prévention échouerait. Un bon leader prendra les devants pour lancer une analyse afin de déterminer et caractériser les risques les plus dangereux. De cette analyse résulte une liste de risques plausibles catégorisés selon leur degré de sévérité et de probabilité. Les risques les plus sévères et probables doivent être traités en premier par des mesures visant à en réduire la probabilité d’occurrence et la sévérité des effets primaires, secondaires et tertiaires.

Or, ce travail nécessite une attention particulière et un effort de concentration malgré l’hésitation de la plupart des gens à confronter ces risques avant qu’ils ne surviennent. En effet, la nature humaine veut que l’on se concentre sur l’immédiat et qu’on s’en remette à la volonté de Dieu ou du joyeux hasard. Le leader responsable doit passer outre à sa propre résistance et au scepticisme des autres pour rallier son équipe ou son organisation dans le but de la prémunir contre les risques avant qu’il ne soit trop tard et qu’il faille improviser.

Par contre, malgré tous les efforts, il arrive qu’un risque se matérialise. Dans bien des cas, peut-être même la plupart, le risque est facilement maté et le retour à la normale est rapide et sûr. En revanche, un risque particulièrement sévère peut se transformer en crise. Dans ce cas, les moyens de réaction et de d’adaptation déjà en place ne suffisent pas à contenir la crise et la sévérité des effets primaires, secondaires et tertiaires nécessite des moyens exceptionnels pour les atténuer.

C’est à ce moment que le dirigeant doit prendre les devants et exercer son leadership avec confiance et assurance. Il n’est pas seulement question de « gérer » la crise, mais bien plus d’influencer les gens positivement en prenant soin de maintenir le moral et de veiller à ce que tous s’attèlent à la tâche afin de mater la crise.

Un dirigeant confiant n’hésitera pas à consulter des experts avant de prendre des décisions. Il saura aussi s’entourer de conseillers qui n’ont pas peur de lui communiquer la situation réelle, sans l’embellir, mais aussi avec le plus d’exactitude possible. Dans toute crise, c’est l’information qui constitue le nerf de la guerre. La crise du COVID-19 nous montre à quel point il est crucial d’obtenir et de soupeser l’information avec le plus grand soin.

Le dirigeant ne doit pas prendre de décisions précipitées, mais il doit quand même en prendre. Et une fois les décisions prises, elles doivent être communiquées avec limpidité en expliquant le raisonnement et les conséquences probables de celles-ci. L’absence de communication est néfaste, mais une communication mensongère, erronée ou confuse est encore plus grave. En absence d’informations de qualité, les gens ont tendance à en inventer afin de se rassurer. C’est la source des rumeurs. Ironiquement, les informations et les communications erronées et inefficaces ont l’effet contraire de celui recherché. Elles minent la confiance envers les dirigeants et peuvent même semer la panique.

La période de l’après-crise est toute aussi cruciale et relève d’un leadership judicieux. Il faut rétablir les services, reconstruire, réparer ou nettoyer les infrastructures et installations et, enfin, retourner à la normale. Cela dit, il faut aussi profiter de cette occasion pour maximiser l’apprentissage. La tendance normale une fois qu’une crise est terminée est de passer à autre chose, souvent en se disant qu’on l’a échappé belle. C’est au moment que tous veulent retourner à la vie normale le plus rapidement possible que le dirigeant doit rallier encore une fois les troupes pour faire un retour d’action et identifier les lacunes et les choses à améliorer.

En somme, le dirigeant responsable doit exercer un leadership motivateur avant, pendant et après une crise. Il doit inspirer les autres au dépassement et les amener à entreprendre des choses qu’ils ne feraient pas en temps normal. C’est ça l’essence du leadership : la capacité d’influencer les autres pour viser des objectifs extraordinaires.

Vous pouvez en lire plus sur les principes et bonnes pratiques du leadership selon toutes les phases dans l’article suivant dans le numéro mai-juin 2020.

(*) Richard Martin, Président de CANLEAD, https://www.canlead.org/fr/leadership-en-temps-de-crise