Trump-Zelensky, tête-à-tête tragi-comique à New York

Trump-Zelensky, tête-à-tête tragi-comique à New York

Tour à tour tendu, étrange et drôle, le tête-à-tête a tenu ses promesses.

A droite, Donald Trump, 73 ans, ancien promoteur immobilier. A gauche, Volodymyr Zelensky, 41 ans, ancien acteur. Au milieu, un gros bouquet de fleurs vertes et blanches.

Le président américain a rencontré une dizaine de dirigeants lors de son passage à New York pour la grand messe annuelle de l'ONU. Mais c'est la poignée de main avec son homologue ukrainien qui était, de loin, la plus attendue.

Une conversation téléphonique estivale entre les deux hommes provoque depuis quelques jours une véritable tempête à Washington et a entrainé le lancement d'une procédure de destitution contre le 45e président des Etats-Unis.

Vêtu d'un costume bleu et de sa célèbre cravate rouge, Donald Trump, assis sur le bord de sa chaise, est tendu.

Costume noir, gilet, Volodymyr Zelensky, de plus de 30 ans son cadet, assis au fond de son siège, apparaît beaucoup plus décontracté.

La tension est palpable mais la conversation commence sur un ton plutôt léger, elle évoque presque un duo de comédie. "Il m'a rendu plus célèbre que je ne l'ai rendu célèbre", lâche le milliardaire républicain dans les rires.

"C'est mieux de se rencontrer que de se parler par téléphone", lance, taquin, son homologue ukrainien, plutôt à l'aise en anglais même s'il commet des fautes.

"L'Ukraine est un pays avec un énorme potentiel", lâche Donald Trump, une phrase qu'il utilise pour nombre d'autres pays, de la Corée du Nord à l'Iran.

"Oui, je sais, c'est le pays d'où je viens", répond du tac-au-tac l'ancien comédien, entré en politique par une déclaration de candidature aux airs de farce en plein réveillon du 31 décembre.

Mi-amusé, mi-perplexe, Donald Trump sourit.

Volodymyr Zelensky presse Donald Trump d'effectuer une visite en Ukraine, en lui rappelant, visiblement conscient de son extrême sensibilité aux comparaisons, que son prédécesseur démocrate Barack Obama n'avait jamais fait le déplacement.

"Je vais essayer", répond le président américain évasif. "Vous avez oublié de me donner une date...", répond le jeune dirigeant ukrainien dans un sourire.

Le ton devient plus sérieux lorsque M. Zelensky, qui était adolescent au moment de l'indépendance de l'Ukraine en 1991, martèle sa priorité: "Mettre la fin à la guerre dans le Donbass", région de l'est de l'Ukraine où une guerre oppose depuis cinq ans les troupes de Kiev à des séparatistes pro-russes.

- "Pas de pression, rien du tout".

Puis les journalistes entrent dans la danse, bombardent les deux hommes de question.

Et le ton change.

Le président de la première puissance mondiale a-t-il - oui ou non - fait pression sur son homologue ukrainien pour qu'il enquête sur la famille du démocrate Joe Biden, rival potentiel dans la course à la Maison Blanche?

Le dirigeant ukrainien hésite, balbutie un peu.

"Je pense que vous avez tout lu. Je ne veux pas m'impliquer dans les élections aux Etats-Unis".

Puis, il se fait plus précis: "Ce fut un bon échange téléphonique, normal (...) Personne n'a fait pression sur moi".

L'oeil de Donald Trump s'éclaire, il bondit sur l'occasion": "En d'autres mots, pas de pression!

Puis il s'échauffe.

Au-delà des calculs politiques sur l'impact qu'aura cette procédure de destitution sur l'élection de 2020, l'ancien homme d'affaires de New York apparait, depuis le début de la journée, très remonté, comme piqué au vif. Un mot, "Impeachment", a gâché sa journée dans sa ville natale.

Est-ce le sentiment d'avoir fait un mauvais calcul en rendant publique le contenu de sa conversation téléphonique avec son homologue ukrainien ? L'histoire le dira.

Pour l'heure, il laisse éclater sa frustration.

"Nous aussi avons des problèmes de corruption, quand vous voyez ce qui s'est passé avec Hillary Clinton!"

La surprenante implication de son avocat personnel Rudy Giuliani dans les discussions avec l'Ukraine ?

"Rudy Giuliani fut un grand maire, il est très respecté!".

Nancy Pelosi, cheffe des démocrates au Congrès, qui a lancé mardi la procédure de destitution ? "Elle a perdu la tête. Elle s'est fait phagocyter par la gauche radicale!"

"En ce qui me concerne, elle n'est plus le Speaker de la Chambre", lâche-t-il carrément, évoquant le troisième personnage de l'Etat.

Quelques minutes plus tard, lors d'un bref échange avec les journalistes, M. Trump, résume à sa manière ce face-à-face aux lourd d'enjeux pour son avenir politique.

"Ce fut une rencontre merveilleuse. Il a dit : pas de pression, rien du tout".

La procédure de destitution ne fait que commencer.