Canada: Trudeau lance la bataille de législatives à l'issue incertaine

Canada: Trudeau lance la bataille de législatives à l'issue incertaine

Justin Trudeau a donné mercredi le coup d'envoi d'une campagne des législatives à l'issue indécise, mais un scandale qui mine son image de probité depuis des mois s'est immédiatement rappelé à lui.

La journée avait pourtant bien commencé: main dans la main avec son épouse Sophie Grégoire, le chef libéral s'est rendu en matinée chez la gouverneure générale Julie Payette pour lui demander de dissoudre les Communes, la chambre basse du parlement. Cette procédure formelle marque le début officiel d'une campagne électorale qui, dans les faits, a commencé il y a plusieurs mois.

"Les Canadiens auront un choix important à faire", a-t-il déclaré. "Allons-nous revenir aux mesures du passé qui ont échoué?", a-t-il demandé en référence à son prédécesseur conservateur Stephen Harper. "Ou allons-nous continuer à aller de l'avant?", a-t-il ajouté, en écho à son slogan de campagne: "Choisir d'avancer".

Pendant les 40 jours que durera la campagne, M. Trudeau devra ferrailler avec ses trois principaux rivaux: le dirigeant conservateur Andrew Scheer, le chef du Nouveau Parti Démocratique (NPD, gauche), Jagmeet Singh, et la cheffe des Verts Elizabeth May.

A son actif, M. Trudeau a notamment fait valoir la bonne tenue de l'économie canadienne à l'issue de son premier mandat, avec un taux de chômage au plus bas depuis les années 1970 (5,7%) et une croissance de 3,7% au deuxième trimestre.

- "Il a menti aux Canadiens" -

Les derniers sondages montrent que les libéraux de M. Trudeau sont au coude-à-coude avec les conservateurs de M. Scheer. Les statistiques, elles, sont favorables au chef du gouvernement: depuis la Seconde Guerre mondiale, tous les Premiers ministres ayant remporté une majorité parlementaire ont décroché un second mandat.

M. Trudeau, 47 ans, pourra également compter sur son aisance pendant les campagnes électorales, à l'image de celle qu'il avait remportée haut la main en 2015 alors que les sondages le plaçaient en troisième position quelques mois plus tôt. D'autant que son principal opposant, Andrew Scheer, 40 ans, moins à l'aise dans ses prises de parole en public, entame de son côté la première campagne de sa carrière.

"Pendant les prochaines semaines, je vais démontrer aux Canadiens que Justin Trudeau a perdu l'autorité morale pour gouverner", a asséné M. Scheer, après un nouveau développement dans le scandale SNC-Lavalin qui mine le gouvernement depuis février.

M. Trudeau et son entourage ont été accusés par un rapport officiel d'avoir violé la loi sur l'éthique en faisant pression sur l'ancienne ministre de la Justice pour qu'elle intercède en faveur d'une société québécoise, SNC-Lavalin, afin de lui éviter un procès pour corruption.

Le quotidien Globe and Mail affirme mercredi que la police fédérale enquête sur une possible entrave à la justice dans cette affaire, et qu'elle a même entendu mardi à ce sujet l'ex-ministre de la Justice, mais que le gouvernement a refusé de lever le secret ministériel protégeant certains témoins.

"Il a menti aux Canadiens", a tonné le chef conservateur. "Alors que Justin Trudeau brise la loi et utilise son bureau pour bloquer des enquêtes policières, je vous garantis que mon gouvernement sera intègre, responsable et travaillera pour l'ensemble des Canadiens".

- Politique contradictoire -

Autre mauvaise surprise pour M. Trudeau: il a dû se prononcer sur une nouvelle loi controversée sur la laïcité récemment adoptée par le Québec.

Le Premier ministre nationaliste de cette province, François Legault, a exigé mercredi des candidats à la direction du Canada qu'ils s'engagent à ne pas contester cette loi qui interdit tous signes religieux à certains fonctionnaires, policiers ou enseignants.

Ardent multiculturaliste, Justin Trudeau a répété que "pour l'instant" il ne saisirait pas la justice pour cette loi contraire à la constitution canadienne, tout en insistant: "Je ne trouve pas que dans une société libre, on doit légitimer ou permettre la discrimination contre les citoyens sur la base de leur religion".

La bataille étant officiellement lancée, les chefs de partis ont pris la route ou les airs pour commencer à sillonner le pays. MM. Scheer et Trudeau disposent chacun d'un avion avec leur nom en grosses lettres sur la carlingue.

Celui du dirigeant conservateur a été dérouté dès son premier vol, en raison d'un épais brouillard. M. Scheer a terminé en bus son escale au Québec, avant de reprendre l'avion vers l'Ontario, deux terres libérales.

M. Trudeau était quant à lui attendu en fin de journée en Colombie-Britannique, une des provinces où sa politique controversée sur l'environnement pourrait lui coûter des voix.

Le Premier ministre se pose en champion de la lutte contre le changement climatique. Mais ses adversaires lui reprochent de mener une politique contradictoire: son gouvernement a adopté une taxe carbone, mais a également nationalisé à fort prix un oléoduc dans l'ouest du pays.