Coopération économique : le Japon dégaine sa Ticad

Coopération économique : le Japon dégaine sa Ticad

C'est à Yokohama que le pays du Soleil levant accueille la 7e édition du rendez-vous économique qu'il donne à l'Afrique. Une occasion de relever les défis de la Chine et des autres grandes puissances sur le Continent.

Du 28 au 30 août, l'Afrique et le Japon s'offrent un tête-à-tête exclusif pour étudier les voies et moyens de donner un souffle nouveau à leur coopération. Pendant deux jours, Yokohama accueille en effet la 7e édition du Ticad, la conférence japonaise dédiée au développement du continent africain. Organisé entre autres par le gouvernement du Japon, les Nations unies (ONU) et la Banque mondiale (BM), l'événement convie des leaders politiques dont cette année le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, le Sénégalais Macky Sall, entre autres, des personnalités du monde des affaires et des acteurs de la société civile. Objectif, d'après le thème choisi cette année : « Faire progresser le développement de l'Afrique à travers les hommes, la technologie et l'innovation. »

Officieusement, il s'agira surtout de jauger les relations qu'entretiennent le Japon et l'Afrique, et de les développer. Un des défis de cette 7e conférence sera de diversifier l'éventail des partenariats commerciaux entre le Japon et l'Afrique. Depuis 2007, les investissements directs à l'étranger (IDE) du Japon – passés de 3,9 milliards à 10 milliards de dollars en 2016 – se concentrent surtout en Afrique du Sud, au Maroc, au Kenya, en Égypte, au Ghana et au Nigeria. Le nombre d'entreprises japonaises y opérant est ainsi passé de 520 en 2010 à 796 en 2017.


Rattraper la Chine

Si le Japon multiplie les rapprochements avec l'Afrique, c'est aussi pour concurrencer son rival chinois. Mais le retard pris par Tokyo est conséquent. Lors de la Ticad VI, le pays s'est engagé à soutenir 30 milliards de dollars d'investissements publics et privés dans les infrastructures. Il y a un an, lors du sommet Chine-Afrique, Pékin a promis, lui, le double. Mais plutôt que de se lancer dans une course aux chiffres, qu'il perdrait inexorablement, le Japon préfère promouvoir des investissements « de qualité » et de « développement des ressources humaines locales ».

Les infrastructures développées « avec des investissements ou des prêts chinois [...] peuvent parfois aboutir à un endettement très lourd pour certains pays », a d'ailleurs déclaré lors d'un point de presse Masahiko Kiya, un diplomate japonais responsable de la Ticad. Pour lui, la « qualité supérieure » des infrastructures japonaises et le suivi de la maintenance locale leur assure « un coût moins élevé sur le long terme ». « La seule livraison de l'infrastructure ou de l'équipement n'est pas la fin du projet », a-t-il fait savoir.

Focus sur le secteur privé

Pour consolider sa présence sur le continent et développer ses affaires avec l'Afrique, le Japon a sa propre stratégie. En Afrique, le pays est perçu comme menant « une diplomatie silencieuse et “non impliquée” », analyse pour l'AFP Mohamed Diatta, chercheur à l'Institute for Security Studies en Éthiopie. « Le Japon est un partenaire de développement, moins intrusif que des pays comme la Chine ou la Russie » même s'il a « ses intérêts économiques à satisfaire », affirme-t-il. « Il n'a pas une présence dominatrice ».

Cette tactique, les autorités nippones comptent désormais l'appliquer au secteur privé. Le développement des ressources humaines, la formation professionnelle et la croissance des petites et moyennes entreprises (PME) feront partie des axes discutés lors de la Ticad 7. Une stratégie déjà utilisée lors de la 5e édition de la conférence, en 2013, via le lancement de l'initiative « Abe pour les jeunes entrepreneurs ».

Le programme permet aux étudiants africains de faire une partie de leur cursus scolaire dans des écoles doctorales du Japon, mais aussi de suivre une formation en entreprise. Les sociétés japonaises opérant dans des secteurs qui favorisent le développement industriel en Afrique sont privilégiées. Jusqu'ici, 1 219 étudiants du continent ont pu en bénéficier. Autant d'arguments que le pays du Soleil levant entend promouvoir pour séduire un plus grand nombre de pays et d'acteurs du continent africain.