Mobilisation record à Moscou pour réclamer des "élections libres"

Mobilisation record à Moscou pour réclamer des

Près de 50.000 personnes se sont rassemblées samedi à Moscou pour dénoncer l'exclusion des candidats indépendants aux élections locales de septembre, la plus importante manifestation en Russie depuis le retour au Kremlin de Vladimir Poutine, en 2012.

Si ce rassemblement autorisé mais cantonné à une seule avenue de la capitale russe s'est déroulé sans incidents, plusieurs centaines de personnes ont voulu continuer la manifestation devant l'administration présidentielle, située à quelques centaines de mètres et où les attendait un imposant dispositif policier.

Un journaliste de l'AFP a été témoin d'une cinquantaine d'interpellations tandis que selon un communiqué de la police de Moscou, "136 personnes ont été arrêtées pour des violations de la loi pendant une action non autorisée dans le centre de Moscou".

Le rassemblement autorisé a été suivi par 49.900 personnes, selon l'ONG Compteur Blanc, qui réalise des comptages de manifestants, tandis que la police russe a donné le chiffre de 20.000.

Pour son quatrième week-end consécutif de manifestations à Moscou, ce mouvement de contestation ne faiblit pas, en dépit de la sévère réponse des autorités et de l'absence de presque tous les dirigeants de l'opposition, condamnés à de courtes peines de prison.

Dans le calme sur l'avenue Sakharov, les manifestants portaient des pancartes sur lesquelles était écrit "Donnez-nous le droit de vote" ou "Vous nous avez assez menti", tandis que d'autres brandissaient des drapeaux russes ou les portraits de militants arrêtés.

"Je suis outrée par cette injustice à tous les niveaux. On ne laisse pas se présenter des candidats qui ont collecté toutes les signatures nécessaires. On arrête les gens qui manifestent pacifiquement", a déclaré à l'AFP Irina Dargolts, une ingénieure de 60 ans.

"J'ai l'impression que le pays est prisonnier et que ses citoyens sont pris en otage (...) Personne ne représente les gens", a déploré Dmitri Khobbotovski, un militant du mouvement "Russie ouverte" de l'ex-oligarque en exil Mikhaïl Khodorkovski.

- Mobilisation d'artistes -

La dernière figure de l'opposition en liberté, la jeune avocate Lioubov Sobol, a été interpellée avant la manifestation après une perquisition à son local de campagne.

"Je ne vais pas aller à la manifestation. Mais vous savez quoi faire sans moi. Je suis fière de tous ceux qui sont venus", a-t-elle déclaré sur Twitter, avant d'être libérée quelques heures plus tard.

Si l'opposition est décimée, plusieurs personnalités parfois éloignées de la politique ont manifesté, comme l'un des rappeurs les plus populaires de Russie, Oxxxymoron, arborant un t-shirt de soutien à un étudiant emprisonné.

Des artistes célèbres comme les membres du groupe électro IC3PEAK, dont plusieurs concerts ont été interdits ces derniers mois, se sont produits sur scène.

Boris Zolotarevskyi, un collaborateur du chef de file de l'opposition Alexeï Navalny, a été arrêté en descendant de la scène juste après avoir demandé aux manifestants de continuer la manifestation devant l'administration présidentielle russe.

Si les autorités ont donné leur accord à l'organisation de cette manifestation, la police russe avait prévenu cette semaine que toute tentative de la faire sortir de l'avenue Sakharov serait "immédiatement stoppée".

Des rassemblements ont eu lieu dans plusieurs autres villes. A Saint-Pétersbourg (nord-ouest), 80 personnes ont été interpellées et 15 autres à Rostov-sur-le-Don (sud-ouest), selon l'ONG OVD-Info qui donne le chiffre de 275 interpellations dans tout le pays.

- Ligne dure -

Le mouvement de contestation a débuté après le rejet, pour des prétextes douteux, de la candidature d'une soixantaine d'indépendants aux élections locales du 8 septembre, qui s'annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir dans un contexte de grogne sociale.

Les deux précédentes manifestations de l'opposition, le 27 juillet et le 3 août, n'avaient pas été autorisées et s'étaient soldées par respectivement 1.400 et un millier d'interpellations.

Le durcissement du régime s'exprime aussi par les nombreuses perquisitions et peines de prison infligées à des opposants, tandis que les inculpations pour "troubles massifs" visant de simples manifestants se sont multipliées.

Le "Fonds de lutte contre la corruption" d'Alexeï Navalny, actuellement emprisonné, est quant à lui visé par une nouvelle enquête pour "blanchiment" d'argent sale et ses comptes ont été gelés.

Parallèlement, les autorités tentent par tous les moyens de décourager les jeunes Moscovites de manifester. Le Parquet a ainsi demandé cette semaine le retrait de ses droits parentaux à un couple ayant manifesté avec son bébé, laissant peser une menace sur les parents tentés de faire de même.