Brexit: Westminster inflige un nouveau revers à Theresa May

Brexit: Westminster inflige un nouveau revers à Theresa May

Le Parlement britannique a infligé un nouveau camouflet mercredi à la Première ministre Theresa May en cherchant à réduire de façon drastique le délai laissé au gouvernement pour présenter un "plan B" de sortie de l'Union européenne, en cas de rejet du projet actuel lors du vote, le 15 janvier à Westminster.

A la reprise du débat parlementaire sur le Brexit, la disposition adoptée par 308 voix contre 297 vise à ne laisser que trois jours ouvrables à l'exécutif pour présenter un autre plan, alors que le délai spécifié dans la loi sur le Brexit est de 21 jours.

Le porte-parole de Theresa May a relativisé l'importance de ce vote en grande partie symbolique, qui n'engage en rien le gouvernement mais risque d'exacerber les tensions.

"Nous faisons tout notre possible pour remporter le vote qui compte, celui de mardi prochain", a-t-il dit. "Mais si cela ne se produit pas, nous avons aussi l'intention de répondre rapidement aux interrogations et de donner (aux députés) des assurances sur la suite."

Le ministre du Brexit, Stephen Barclay, a tenu lui aussi à "rassurer" les députés en soulignant la volonté du gouvernement d'agir vite s'il ne remporte pas le vote du 15 janvier.

Pour se donner des chances accrues de remporter ce vote, le gouvernement est disposé à modifier la formulation du texte qui va être soumis au Parlement, a par ailleurs déclaré Stephen Barclay.

Il faisait référence à un amendement qui donnerait aux parlementaires la possibilité de s'exprimer à nouveau par un vote avant la mise en oeuvre éventuelle de la clause de sauvegarde ("backstop") destinée à éviter le rétablissement d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, le principal point de crispation à Westminster.

Cet amendement a déjà été mis sur la table en décembre sans changer le rapport de force au Parlement, dans la mesure où il n'exonérerait pas Londres de sa responsabilité d'éviter le rétablissement d'une frontière physique en Irlande.

BACKSTOP

Dans la matinée, Theresa May avait aussi promis d'insister auprès de ses interlocuteurs européens pour obtenir des garanties à même de dissiper les inquiétudes suscitées par l'accord qu'elle a négocié avec Bruxelles, sans toutefois convaincre ses alliés nord-irlandais.

Faute de majorité à Westminster, la Première ministre avait été contrainte de reporter in extremis le vote sur le Brexit, initialement prévu le 11 décembre. Rien ne dit qu'elle pourra cette fois disposer d'un soutien suffisant.

"J'ai pris contact avec les dirigeants européens (...) au sujet des préoccupations des députés. Ces discussions ont montré qu'il était possible de clarifier le backstop et elles se poursuivront dans les jours qui viennent", a déclaré Theresa May à la reprise des débats.

Le gouvernement, a-t-elle poursuivi, cherche des moyens d'impliquer davantage le Parlement dans la définition des futures relations avec l'UE, notamment en prolongeant la période de transition plutôt qu'en mettant en oeuvre ce backstop, qui cristallise toutes les tensions.

Pour le Parti unioniste démocrate (DUP), formation nord-irlandaise dont le soutien a permis au gouvernement de retrouver une majorité parlementaire après les élections anticipées de juin 2017, cette disposition reste inacceptable, bien que la Première ministre ait promis d'associer la province à son éventuelle entrée en vigueur.

"La seule chose qui pourrait amener le DUP à changer d'avis, c'est que le backstop (...) soit retiré de cet accord", a déclaré Sammy Wilson, porte-parole du mouvement, parlant d'une offre "de façade".

"TERRITOIRE INCONNU"

David Lidington, bras droit de Theresa May, avait auparavant invité les Britanniques "à ne pas fantasmer sur des accords magiques, alternatifs qui pourraient on ne sait comment surgir du placard à Bruxelles".


"L'accord qui est mis sur la table a nécessité beaucoup de concessions de la part des deux parties", a souligné le ministre d'Etat au bureau du Cabinet britannique.


Theresa May exclut de repousser la date du Brexit, qui reste fixée au 29 mars à 23h00 GMT, mais a averti les députés qu'en cas de rejet de son texte, le Royaume-Uni pourrait quitter l'Union européenne sans accord. "Nous entrerions en territoire inconnu", a dit dimanche la dirigeante britannique.

Le gouvernement avait déjà essuyé un revers mardi aux Communes où une majorité de députés a voté un amendement contraignant l'exécutif à obtenir le soutien du Parlement pour quitter l'UE sans accord, faute de quoi il ne pourra invoquer certaines prérogatives en matière de législation fiscale.

David Lidington a constaté que ce vote signifiait qu'une majorité d'élus rejetait la perspective d'un "no deal" tout en jugeant que cela ne suffisait pas. Sans proposition alternative, a-t-il souligné, une sortie de l'UE sans accord sera inévitable.

"Le Parlement doit dire ce pour quoi il est prêt à voter", a insisté le ministre. "C'est un accord que nous avons négocié avec 27 gouvernements souverains en Europe", a-t-il dit.

L'hypothèse d'un Brexit sans accord fait craindre aux milieux d'affaires de lourdes conséquences sur l'économie britannique. Selon le site d'informations économiques Business Insider, des organisations patronales dont la fédération du transport de marchandises demandent au gouvernement de négocier des "mini-accords" d'urgence avec l'UE pour parer aux conséquences négatives d'un "no deal".

Certains investisseurs et grandes banques sont toutefois persuadés que l'accord sur le Brexit, même s'il est rejeté mardi prochain par le Parlement, finira par être approuvé.