Nucléaire iranien: Ryad prévient à nouveau qu'il pourrait acquérir la bombe

Nucléaire iranien: Ryad prévient à nouveau qu'il pourrait acquérir la bombe

L'Arabie saoudite a prévenu mercredi qu'elle développerait son propre arsenal nucléaire si l'Iran s'y employait de son côté, au lendemain du retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien, des menaces qui exacerbent les fortes tensions dans la région.

Mardi, le président Donald Trump a annoncé le retrait des Etats-Unis de l'accord signé en 2015 en vertu duquel l'Iran a accepté de brider son programme nucléaire en s'engageant à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique en échange de la levée d'une partie des sanctions internationales.

Principal rival de l'Iran au Moyen-Orient, l'Arabie saoudite a immédiatement applaudi l'annonce de M. Trump, grand pourfendeur de l'accord et allié de premier plan de Ryad.

Interrogé par la chaîne CNN sur l'éventualité que Ryad "construise sa propre bombe" si Téhéran reprenait son programme nucléaire, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a déclaré: "Si l'Iran se dote d'une capacité nucléaire, nous ferons tout notre possible pour faire de même".

Que les Iraniens choisissent ou non de reprendre l'enrichissement de l'uranium et d'accélérer un programme militaire, on aura une "course nucléaire au Moyen-Orient", a estimé James Dorsey, analyste à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour, avant la déclaration de M. Jubeir.

- "Déstabiliser la région" -

En mars, le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane avait averti que si Téhéran se dotait de l'arme nucléaire, son pays ferait de même.

L'Arabie saoudite et l'Iran sont à couteaux tirés depuis des années, les deux pays soutenant notamment des camps opposés en Syrie, au Liban et au Yémen.

Le ministère saoudien des Affaires étrangères a accusé mercredi Téhéran de "tirer profit des revenus générés par la levée des sanctions pour déstabiliser la région".

Au lendemain de l'annonce américaine du retrait de l'accord conclu entre Téhéran et les six grandes puissances, l'Arabie saoudite a été la cible d'une nouvelle salve de missiles tirés par les rebelles Houthis du Yémen, soutenus par l'Iran. Deux ont été interceptés au-dessus de Ryad.

Pour le porte-parole de la coalition sous commandement saoudien qui intervient au Yémen au côté du pouvoir, ces tirs sont "une nouvelle preuve" du soutien militaire iranien aux insurgés yéménites. L'Iran dément soutenir militairement les Houthis.

A l'instar de l'Arabie saoudite, d'autres pays du Golfe comme les Emirats arabes unis et Bahreïn ont salué la décision de M. Trump.

Le sultanat d'Oman, qui a abrité les premiers contacts secrets ayant abouti à l'accord nucléaire de 2015, a réagi avec prudence.

"L'option de la confrontation n'est dans l'intérêt de personne", a souligné le ministère des Affaires étrangères du sultanat qui a toujours entretenu de bons rapports avec l'Iran.

Le Qatar et le Koweït ont également réagi prudemment.

"La priorité" doit être d'empêcher "une course aux armements nucléaires", a déclaré le ministère des Affaires étrangères du Qatar, pays dont le rapprochement avec l'Iran a motivé en partie une grave crise qui l'oppose depuis près d'un an à ses voisins du Golfe.

Le Koweït a dit respecter la position américaine "à partir du moment où l'objectif est d'assurer la stabilité" du Moyen-Orient.

- Equilibrer le marché pétrolier -

Au plan économique, l'Arabie saoudite a dit être prête à équilibrer le marché pétrolier si jamais il était affecté par le retrait américain de l'accord nucléaire.

"Le royaume travaillera avec les principaux producteurs de pétrole à l'intérieur et à l'extérieur de l'Opep, ainsi qu'avec les principaux consommateurs, pour limiter l'impact de toute pénurie d'approvisionnement", a déclaré le ministère saoudien de l'Energie.

Actuellement, les exportations pétrolières de l'Iran atteignent 2,5 millions de barils par jour (mbj), dont la majorité est destinée à l'Europe et à l'Asie.

L'Arabie saoudite, qui pompe actuellement 10 mbj, a la capacité de produire quotidiennement 12 mbj.

Mercredi, la Bourse de Dubaï a reculé de 2% de crainte de l'impact du rétablissement des sanctions contre l'Iran.

La cité-Etat de Dubaï, membre de la fédération des Emirats arabes unis, est la plus exposée à toute difficulté de l'économie iranienne car elle entretient de solides liens commerciaux avec l'Iran.

La décision américaine est "susceptible de provoquer un nouveau ralentissement de l'économie iranienne mais, en l'état actuel des choses, l'impact économique sur le reste de la région ne devrait pas être sévère", a tempéré l'institut d'analyse Capital Economics.