Pologne: le président oppose son veto à des réformes controversées de la justice

Pologne: le président oppose son veto à des réformes controversées de la justice

Le président polonais Andrzej Duda a opposé lundi son veto aux lois sur la Cour suprême et sur le Conseil national de la magistrature qui ont provoqué des manifestations massives dans le pays et des menaces de sanctions sans précédent de la part de l'Union européenne.

Ces lois, qui selon leurs adversaires menaçaient l'indépendance de la justice, seront renvoyées devant le Parlement et il faudrait une majorité des trois-cinquièmes - que les conservateurs de Droit et Justice (PiS) n'ont pas - pour les adopter sous leur forme actuelle.

Le président Duda, issu du PiS et qui semblait jusqu'à présent très proche de ce parti dirigé par l'influent Jaroslaw Kaczynski, a créé la surprise avec sa décision immédiatement saluée par l'opposition.

Il a annoncé qu'il allait lui-même présenter une nouvelle version de ces lois, qu'il espère préparer, avec ses experts, en l'espace de deux mois.

Cependant, le porte-parole de M. Duda a annoncé que le président signerait une troisième loi controversée sur la justice. Celle-ci permet au ministre de la Justice de remplacer les présidents de tous les tribunaux de droit commun sans en expliquer les raisons.

L'opposition s'est néanmoins félicitée de l'annonce du veto présidentiel. "C'est sans nul doute un pas dans la bonne direction", a déclaré une députée du parti libéral Nowoczesna Kamila Pihowicz-Gasiuk, "une preuve que la pression citoyenne est efficace".

La décision a été annoncée après plusieurs jours de manifestations de rue. "Nous voulons le veto", ont scandé encore la veille des manifestants devant le palais présidentiel.

La semaine dernière, la Commission européenne a sommé Varsovie de "mettre en suspens" ces réformes, agitant la menace de possibles sanctions pouvant aller jusqu'à la suspension de ses droits de vote du pays au sein de l'UE.

Lundi, le porte-parole de la Commission européenne Margaritis Schinas, interrogé à Bruxelles après l'annonce du véto présidentiel, s'est borné à indiquer que la situation serait examinée par le collège des commissaires mercredi.

"Nous suivons de très près tous les événements et la situation qui est en train d'évoluer à l'heure où on parle", a-t-il dit, rappelant que l'offre de dialogue de Frans Timmermans "n'a pas été pour le moment acceptée" par Varsovie.

Des réserves à propos des projets de réforme avaient été exprimées aussi par des organisations de magistrats polonais et jusqu'au Département d'Etat américain, tandis que l'opposition politique faisait feu de tout bois, mettant en garde contre "un coup d'Etat".

"J'ai décidé de renvoyer à la Diète, donc d'opposer mon veto, à la loi sur la Cour suprême, ainsi qu'à la loi sur le Conseil national de la magistrature, car elles sont liées entre elles", a dit le chef de l'Etat dans une déclaration retransmise à la télévision.

- 'Besoin de paix' -

Il a réaffirmé le besoin "d'une réforme, mais d'une bonne réforme" du système judiciaire.

"Il n'entre pas dans notre tradition que le procureur général puisse s'ingérer dans le travail de la Cour Suprême" (comme le prévoyait la nouvelle loi), a dit le président.

"Je ne veux pas que cette situation s'aggrave, car elle aggrave les divisions dans la société. Il n'y a qu'une seule Pologne, la Pologne a besoin de paix et je m'en sens responsable en tant que président", a déclaré le chef de l'Etat.

PiS a défendu ses réformes, indispensables à ses yeux pour rationaliser le système judiciaire, combattre la corruption et en finir avec "la caste des juges".